Bonjour à tous,
J'ai finalement décidé de mettre fin à ce blog qui il est vrai n'était plus actualisé depuis un certain temps.
Je vous invite en revanche à vous connecter sur le site de l'association Résolutions Ecologiques www.resolutionsecologiques.com, récemment refait par les soins du brillant Marck Crocicchio, secrétaire de l'association.
Vous pourrez y trouver les chroniques existantes et à venir ainsi qu'une sélection des meilleures photos du voyage, qui seront progressivement mises en ligne.
Merci à tous ceux qui ont parcouru occasionnellement ce blog, et à bientôt !
Nicolas
jeudi
Chronique n°3 : Vulnérabilité et adaptation au changement climatique dans le bassin du Mantaro, Pérou.
Rencontre avec Alejandra Martinez de l’Institut Géophysique du Pérou.
Après la Bolivie, mon voyage se poursuit au Pérou et m’amène à sa capitale, Lima. C’est dans cette mégapole de 10 millions d’habitants située au beau milieu du désert longeant la majeur partie de la côte péruvienne que siège l’Institut Géophysique du Pérou (IGP). En traversant la ville, je ne peux m’empêcher de frémir du sort qui atteindrait ses habitants en cas d’un tarissement des glaciers andins, dont le risque m’était évoqué précédemment par Edson Ramirez à La Paz (voir chronique n°2). J’ai rendez-vous avec la Doctora Alejandra Martinez, qui doit partager avec moi le travail réalisé par l’IGP sur le changement climatique. Elle me reçoit dans les bureaux de l’Institut, situés en bordure de la ville, qu’elle partage avec une équipe multidisciplinaire formée de statisticiens, climatologues, géologues et autres ingénieurs agronomes.
A sa création à la fin des années 70, la vocation première de l’IGP était d’étudier le phénomène El niño, mais en 2003, une initiative nationale spécifiquement dédiée à la thématique du changement climatique voit le jour avec le lancement du projet Proclim. Il s’agit un projet de grande portée destiné à étudier les impacts du changement climatique au Pérou et les différentes mesures potentielles d’adaptation. Le projet est lancé à l’époque par la Conam (Commission nationale de l’environnement) - aujourd’hui le ministère de l’environnement - conjointement avec de nombreuses autres institutions.
Proclim porte sur trois zones d’étude pilotes situées dans les Andes centrales : Santa, Piura et la vallée du Mantaro. C’est dans cette dernière région que l’IGP s’est chargé d’étudier la partie « adaptation et vulnérabilité climatique » du projet, en suivant un thème transversal : l’eau.
En effet, l’eau est au cœur de la problématique du changement climatique dans cette vallée à forte activité agricole, qui envoie la presque totalité de ses produits vers Lima et la côte. C’est aussi le principal contributeur en énergie hydroélectrique du pays avec 60% de la production. Le principal projet réalisé par l’IGP dans le cadre de Proclim concerne la capitale régionale Huancayo. Celle-ci se situe juste en-dessous du glacier Huaypapayan (« là où l’on cueille les fleurs », en Quechua), actuellement en train de fondre, et qui l’abreuve en eau potable. Alejandra me fait remarquer qu’à la différence des précédents projets réalisés au Pérou, portant jusqu’ici sur des communautés rurales de faible population, on a ici une ville de 300 000 habitants mise en danger par la diminution des ressources en eau. Nous sommes ici dans une région rurale relativement isolée, située à plus de 3000 mètres d’altitude.
Première considération : la nécessité d’impliquer les populations dans les projets d’adaptation.
Une part importante du projet consiste à étudier la gestion des ressources en eau par la population. A Huancayo, ce sont les femmes qui utilisent ces ressources pour réaliser toutes les tâches ménagères (cuisine, lessive, bain des enfants etc.) mais tout en en étant responsables, elles n’en ont pas la gestion effective (à titre d’exemple, les factures restent au nom du mari). Une autre caractéristique importante de Huancayo est le lien fort maintenu par les habitants avec la nature. Les femmes se rendent régulièrement au fleuve pour faire la lessive, et ce sont donc elles qui peuvent remarquer en priorité une modification du débit.
Alejandra insiste sur les habitudes des populations car celles-ci ont trop souvent été éloignées des projets d’adaptation. En effet, l’IGP considère que les mesures d’adaptation, plutôt que de se focaliser comme c’est souvent le cas sur de grands projets d’infrastructures comme la construction de digues, doivent d’abord s’intéresser aux modes de vie des populations touchées en les impliquant et en les associant au travail des institutions, à l’éducation, et notamment en donnant plus de marge de manœuvre aux femmes. Et quand on réalise des projets infrastructurels comme les digues, ponts ou réservoirs, la population doit au moins savoir ce qui est en train de se réaliser.
Alejandra me raconte qu’en 1991, un bloc du glacier tomba dans la lagune à côté de la ville, inondant certains quartiers. Les autorités lancèrent alors des travaux de construction de grandes digues, sans en prévenir la population. Il en découla un grand mécontentement, les riverains se constituant en association organisèrent des manifestations et déposèrent des plaintes. Les infrastructures construites leur ont probablement sauvé la vie, remarque Alejandra, mais les habitants pensent encore aujourd’hui que ces travaux n’ont servi qu’à remplir les poches d’une poignée de hauts fonctionnaires et d’hommes d’affaire. On voit trop souvent un certain mépris chez les ingénieurs chargés de ces projets, qui considèrent les populations locales comme des ignorants dont l’avis ne compte pas, regrette-t-elle.
Première phase du projet : la mise au point de prévisions saisonnières fiables.
Des réflexions menées par l’IGP, il est également ressorti l’importance de disposer de prévisions saisonnières des températures et précipitations dans le bassin du Mantaro. Ce volet, qui constitue la première phase du travail de l’IGP, est en cours et doit durer encore un an. Mais les scientifiques de l’Institut se rendent compte dès maintenant que même avec des prévisions fiables, il n’est pas certain que les populations vont les utiliser et modifier leurs habitudes agricoles en conséquence.
Le volet des prévisions météorologiques ne marque donc que le début d’un processus beaucoup plus long destiné à le faire connaître, valider et utiliser par les populations locales. Sur ce point, l’IGP ne travaille pas directement en contact avec les agriculteurs, mais en partenariat avec d’autres instituts de recherche qui en seront les utilisateurs finaux et qui, eux, maintiennent un contact suivi avec les agriculteurs. Le processus actuel est de savoir comment le travail de l’IGP peut servir à ces institutions et comment il peut être amélioré.
Quelles sont les grandes tendances météorologiques qui se détachent de l’étude menée par l’IGP ?
La première estimation du programme Proclim prévoit une diminution moyenne de 20% des précipitations à l’horizon 2050. Ce chiffre, déjà énorme en soi, est d’autant plus préoccupant si l’on considère que les cultures réalisées localement dépendent à 70% des précipitations (le reste est assuré par l’irrigation.) L’IGP prévoit également une augmentation de 1,5 degré des températures moyennes sur la même période, ainsi qu’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de froid. Ces estimations sont inquiétantes, non seulement en termes d’approvisionnement en eau, mais aussi pour tout ce qui concerne l’apparition de nouvelles maladies affectant les plantes, et l’arrivée d’insectes parasites encore jamais observés à cette altitude.
Voilà pour le pronostique peu engageant. Le travail de l’IGP consiste maintenant à en savoir un maximum sur toutes les conséquences concrètes qui en dérivent. Il est bien de savoir que l’on doit s’attendre à une recrudescence des insectes et à l’apparition de nouveaux insectes, reprend Alejandra, mais il ne s’agit là que d’une idée vague et il faut en connaître les détails locaux. D’où une composante importante du projet, initiée en 2007 : les thésards. Six étudiants font partie intégrante du projet et réalisent des thèses sur 3 types de culture : pomme de terre, maïs et quinoa. Chacune de leurs études consiste à en étudier la phénologie et le type de maladies dont elles souffrent.
Les premiers résultats sont intéressants et inattendus. Ils permettent effectivement d’en savoir plus sur ce qui affecte concrètement les cultures. On a par exemple découvert que certaines espèces d’oiseaux montent désormais à l’altitude où se trouvent les cultures et les attaquent (ils sont semble-t-il insensibles à la présence des épouvantails). C’est là un fait inédit : des animaux de grande taille comme les oiseaux, et non plus seulement insectes et maladies, atteignent désormais des hauteurs où on ne les voyait pas auparavant. Voilà le genre de découvertes découlant des thèses. Un seul thésard a présenté son travail à ce jour et les autres devraient terminer leur étude d’ici la fin de l’année. L’IGP prévoit de publier un résumé de leurs conclusions.
Quand je lui demande de me parler des conclusions de ce premier thésard, Alejandra s’empresse de me préciser que celles-ci ne sont pas entièrement concluantes, mais convergent vers l’idée d’un mouvement territorial des maladies affectant les cultures. Les résultats de cet étudiant, qui a analysé deux plantations de maïs situées à différents endroits de la vallée, semblent indiquer que de fortes différences peuvent exister entre des cultures éloignées ne serait-ce que de 10 kilomètres. L’étude détaillée fait ressortir des facteurs plus subtils, tels que type de sol, ou les précipitations effectives. Cela en dit long sur la difficulté à faire des prévisions sur une zone aussi vaste que les Andes. C’est donc bien ce genre de travaux dont on a besoin pour arriver à des conclusions probantes, insiste Alejandra. Les résultats des autres thèses permettront de pouvoir généraliser ces résultats de façon plus concluante.
Ce premier volet du travail de l’IGP consiste donc à déterminer avec le plus de fiabilité possible les mécanismes qui entraînent sécheresses, tempêtes, huaycos – des glissements de terrain dévastateurs -, et les conséquences concrètes de tous ces événements extrêmes. C’est ce genre d’informations qui préoccupent le plus la population, qui voit augmenter à chaque nouvelle vague de froid le nombre de maladies chez ses enfants.
Je souhaite approfondir la question des mesures d’adaptation pensées par l’IGP. Qu’en est-il par exemple de la possibilité d’inciter la population locale à modifier ses cultures en fonction de ces changements climatiques en cours et à venir ?
Il est très difficile d’inciter les populations locales ayant toujours pratiqué un type de culture traditionnelle à en changer, me répond Alejandra. De plus, il faut qu’il existe un marché pour les cultures de remplacement. On voit donc bien que les paramètres du problème vont bien au delà du climat : on doit considérer la totalité de l’environnement social et économique des mesures proposées.
Cette question nous amène au volet suivant du projet de l’IGP : les pratiques d’adaptation à mettre en place, et l’identification des acteurs.
L’IGP essaye de rassembler tous les intervenants locaux : la defensa civil - l’organe gouvernemental chargé d’intervenir en cas de cataclysme - et un maximum d’institutions locales, tous les acteurs de la santé et de l’éducation qui sont en contact direct avec les populations, et directement concernés par les conséquences du changement climatique dans la région.
L’Institut entreprend alors la création d’un plan intégré de gestion des risques, consistant à organiser la collaboration entre tous ces intervenants en cas d’événements extrêmes simultanés dans la région. Il s’agit de savoir ce qui doit se faire et ce qui est à éviter en cas de crise. Il y a tout un travail de coaching des institutions à réaliser. Les chercheurs de l’IGP ont remarqué que bien souvent, certaines actions importantes n’interviennent pas, tandis que d’autres sont réalisées en doublons. Il faut donc apprendre aux différents acteurs régionaux à travailler ensemble, à améliorer leur communication et définir les tâches de chacun pour en améliorer la complémentarité.
A chaque nouveau Huayco, on assiste à une course entre le directeur de la Defensa civil et le représentant du gouvernement régional pour apparaître en première page du journal local, s’amuse Alejandra, non sans une pointe d’amertume. C’est un exemple éloquent sur le travail qui attend l’IGP et ses partenaires au cours des nombreux ateliers et réunions prévus dans les mois à venir.
Enfin, conclut Alejandra, l’Institut étudie les pratiques traditionnelles de réaction aux événements climatiques afin de mieux comprendre l’approche locale et dégager les pratiques efficaces. Une tradition de la région consiste par exemple à faire éclater des pétards dès qu’une vague de froid est à l’approche. Les populations sont convaincues que cette tradition a un réel impact sur la contention du phénomène climatique, mais ceci n’a jamais été étudié jusqu’ici. Il s’agit donc pour l’IGP d’étudier ces pratiques ancestrales et autres coutumes, d’en connaitre l’origine et l’efficacité avérée. L’institut entreprend également un travail de veille sur les pratiques existantes dans d’autres régions du monde qui pourraient être adaptées dans le Mantaro.
Ce projet ambitieux de l’IGP fait face, on le voit, à une problématique extrêmement complexe, présentant de multiples facettes. Si la partie est loin d’être gagnée, le travail d’Alejandra et ses collègues permet d’espérer, et nous donne un excellent exemple des chantiers innovants à mettre en œuvre dans les pays dits « du sud » face au changement climatique.
Après la Bolivie, mon voyage se poursuit au Pérou et m’amène à sa capitale, Lima. C’est dans cette mégapole de 10 millions d’habitants située au beau milieu du désert longeant la majeur partie de la côte péruvienne que siège l’Institut Géophysique du Pérou (IGP). En traversant la ville, je ne peux m’empêcher de frémir du sort qui atteindrait ses habitants en cas d’un tarissement des glaciers andins, dont le risque m’était évoqué précédemment par Edson Ramirez à La Paz (voir chronique n°2). J’ai rendez-vous avec la Doctora Alejandra Martinez, qui doit partager avec moi le travail réalisé par l’IGP sur le changement climatique. Elle me reçoit dans les bureaux de l’Institut, situés en bordure de la ville, qu’elle partage avec une équipe multidisciplinaire formée de statisticiens, climatologues, géologues et autres ingénieurs agronomes.
A sa création à la fin des années 70, la vocation première de l’IGP était d’étudier le phénomène El niño, mais en 2003, une initiative nationale spécifiquement dédiée à la thématique du changement climatique voit le jour avec le lancement du projet Proclim. Il s’agit un projet de grande portée destiné à étudier les impacts du changement climatique au Pérou et les différentes mesures potentielles d’adaptation. Le projet est lancé à l’époque par la Conam (Commission nationale de l’environnement) - aujourd’hui le ministère de l’environnement - conjointement avec de nombreuses autres institutions.
Proclim porte sur trois zones d’étude pilotes situées dans les Andes centrales : Santa, Piura et la vallée du Mantaro. C’est dans cette dernière région que l’IGP s’est chargé d’étudier la partie « adaptation et vulnérabilité climatique » du projet, en suivant un thème transversal : l’eau.
En effet, l’eau est au cœur de la problématique du changement climatique dans cette vallée à forte activité agricole, qui envoie la presque totalité de ses produits vers Lima et la côte. C’est aussi le principal contributeur en énergie hydroélectrique du pays avec 60% de la production. Le principal projet réalisé par l’IGP dans le cadre de Proclim concerne la capitale régionale Huancayo. Celle-ci se situe juste en-dessous du glacier Huaypapayan (« là où l’on cueille les fleurs », en Quechua), actuellement en train de fondre, et qui l’abreuve en eau potable. Alejandra me fait remarquer qu’à la différence des précédents projets réalisés au Pérou, portant jusqu’ici sur des communautés rurales de faible population, on a ici une ville de 300 000 habitants mise en danger par la diminution des ressources en eau. Nous sommes ici dans une région rurale relativement isolée, située à plus de 3000 mètres d’altitude.
Première considération : la nécessité d’impliquer les populations dans les projets d’adaptation.
Une part importante du projet consiste à étudier la gestion des ressources en eau par la population. A Huancayo, ce sont les femmes qui utilisent ces ressources pour réaliser toutes les tâches ménagères (cuisine, lessive, bain des enfants etc.) mais tout en en étant responsables, elles n’en ont pas la gestion effective (à titre d’exemple, les factures restent au nom du mari). Une autre caractéristique importante de Huancayo est le lien fort maintenu par les habitants avec la nature. Les femmes se rendent régulièrement au fleuve pour faire la lessive, et ce sont donc elles qui peuvent remarquer en priorité une modification du débit.
Alejandra insiste sur les habitudes des populations car celles-ci ont trop souvent été éloignées des projets d’adaptation. En effet, l’IGP considère que les mesures d’adaptation, plutôt que de se focaliser comme c’est souvent le cas sur de grands projets d’infrastructures comme la construction de digues, doivent d’abord s’intéresser aux modes de vie des populations touchées en les impliquant et en les associant au travail des institutions, à l’éducation, et notamment en donnant plus de marge de manœuvre aux femmes. Et quand on réalise des projets infrastructurels comme les digues, ponts ou réservoirs, la population doit au moins savoir ce qui est en train de se réaliser.
Alejandra me raconte qu’en 1991, un bloc du glacier tomba dans la lagune à côté de la ville, inondant certains quartiers. Les autorités lancèrent alors des travaux de construction de grandes digues, sans en prévenir la population. Il en découla un grand mécontentement, les riverains se constituant en association organisèrent des manifestations et déposèrent des plaintes. Les infrastructures construites leur ont probablement sauvé la vie, remarque Alejandra, mais les habitants pensent encore aujourd’hui que ces travaux n’ont servi qu’à remplir les poches d’une poignée de hauts fonctionnaires et d’hommes d’affaire. On voit trop souvent un certain mépris chez les ingénieurs chargés de ces projets, qui considèrent les populations locales comme des ignorants dont l’avis ne compte pas, regrette-t-elle.
Première phase du projet : la mise au point de prévisions saisonnières fiables.
Des réflexions menées par l’IGP, il est également ressorti l’importance de disposer de prévisions saisonnières des températures et précipitations dans le bassin du Mantaro. Ce volet, qui constitue la première phase du travail de l’IGP, est en cours et doit durer encore un an. Mais les scientifiques de l’Institut se rendent compte dès maintenant que même avec des prévisions fiables, il n’est pas certain que les populations vont les utiliser et modifier leurs habitudes agricoles en conséquence.
Le volet des prévisions météorologiques ne marque donc que le début d’un processus beaucoup plus long destiné à le faire connaître, valider et utiliser par les populations locales. Sur ce point, l’IGP ne travaille pas directement en contact avec les agriculteurs, mais en partenariat avec d’autres instituts de recherche qui en seront les utilisateurs finaux et qui, eux, maintiennent un contact suivi avec les agriculteurs. Le processus actuel est de savoir comment le travail de l’IGP peut servir à ces institutions et comment il peut être amélioré.
Quelles sont les grandes tendances météorologiques qui se détachent de l’étude menée par l’IGP ?
La première estimation du programme Proclim prévoit une diminution moyenne de 20% des précipitations à l’horizon 2050. Ce chiffre, déjà énorme en soi, est d’autant plus préoccupant si l’on considère que les cultures réalisées localement dépendent à 70% des précipitations (le reste est assuré par l’irrigation.) L’IGP prévoit également une augmentation de 1,5 degré des températures moyennes sur la même période, ainsi qu’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de froid. Ces estimations sont inquiétantes, non seulement en termes d’approvisionnement en eau, mais aussi pour tout ce qui concerne l’apparition de nouvelles maladies affectant les plantes, et l’arrivée d’insectes parasites encore jamais observés à cette altitude.
Voilà pour le pronostique peu engageant. Le travail de l’IGP consiste maintenant à en savoir un maximum sur toutes les conséquences concrètes qui en dérivent. Il est bien de savoir que l’on doit s’attendre à une recrudescence des insectes et à l’apparition de nouveaux insectes, reprend Alejandra, mais il ne s’agit là que d’une idée vague et il faut en connaître les détails locaux. D’où une composante importante du projet, initiée en 2007 : les thésards. Six étudiants font partie intégrante du projet et réalisent des thèses sur 3 types de culture : pomme de terre, maïs et quinoa. Chacune de leurs études consiste à en étudier la phénologie et le type de maladies dont elles souffrent.
Les premiers résultats sont intéressants et inattendus. Ils permettent effectivement d’en savoir plus sur ce qui affecte concrètement les cultures. On a par exemple découvert que certaines espèces d’oiseaux montent désormais à l’altitude où se trouvent les cultures et les attaquent (ils sont semble-t-il insensibles à la présence des épouvantails). C’est là un fait inédit : des animaux de grande taille comme les oiseaux, et non plus seulement insectes et maladies, atteignent désormais des hauteurs où on ne les voyait pas auparavant. Voilà le genre de découvertes découlant des thèses. Un seul thésard a présenté son travail à ce jour et les autres devraient terminer leur étude d’ici la fin de l’année. L’IGP prévoit de publier un résumé de leurs conclusions.
Quand je lui demande de me parler des conclusions de ce premier thésard, Alejandra s’empresse de me préciser que celles-ci ne sont pas entièrement concluantes, mais convergent vers l’idée d’un mouvement territorial des maladies affectant les cultures. Les résultats de cet étudiant, qui a analysé deux plantations de maïs situées à différents endroits de la vallée, semblent indiquer que de fortes différences peuvent exister entre des cultures éloignées ne serait-ce que de 10 kilomètres. L’étude détaillée fait ressortir des facteurs plus subtils, tels que type de sol, ou les précipitations effectives. Cela en dit long sur la difficulté à faire des prévisions sur une zone aussi vaste que les Andes. C’est donc bien ce genre de travaux dont on a besoin pour arriver à des conclusions probantes, insiste Alejandra. Les résultats des autres thèses permettront de pouvoir généraliser ces résultats de façon plus concluante.
Ce premier volet du travail de l’IGP consiste donc à déterminer avec le plus de fiabilité possible les mécanismes qui entraînent sécheresses, tempêtes, huaycos – des glissements de terrain dévastateurs -, et les conséquences concrètes de tous ces événements extrêmes. C’est ce genre d’informations qui préoccupent le plus la population, qui voit augmenter à chaque nouvelle vague de froid le nombre de maladies chez ses enfants.
Je souhaite approfondir la question des mesures d’adaptation pensées par l’IGP. Qu’en est-il par exemple de la possibilité d’inciter la population locale à modifier ses cultures en fonction de ces changements climatiques en cours et à venir ?
Il est très difficile d’inciter les populations locales ayant toujours pratiqué un type de culture traditionnelle à en changer, me répond Alejandra. De plus, il faut qu’il existe un marché pour les cultures de remplacement. On voit donc bien que les paramètres du problème vont bien au delà du climat : on doit considérer la totalité de l’environnement social et économique des mesures proposées.
Cette question nous amène au volet suivant du projet de l’IGP : les pratiques d’adaptation à mettre en place, et l’identification des acteurs.
L’IGP essaye de rassembler tous les intervenants locaux : la defensa civil - l’organe gouvernemental chargé d’intervenir en cas de cataclysme - et un maximum d’institutions locales, tous les acteurs de la santé et de l’éducation qui sont en contact direct avec les populations, et directement concernés par les conséquences du changement climatique dans la région.
L’Institut entreprend alors la création d’un plan intégré de gestion des risques, consistant à organiser la collaboration entre tous ces intervenants en cas d’événements extrêmes simultanés dans la région. Il s’agit de savoir ce qui doit se faire et ce qui est à éviter en cas de crise. Il y a tout un travail de coaching des institutions à réaliser. Les chercheurs de l’IGP ont remarqué que bien souvent, certaines actions importantes n’interviennent pas, tandis que d’autres sont réalisées en doublons. Il faut donc apprendre aux différents acteurs régionaux à travailler ensemble, à améliorer leur communication et définir les tâches de chacun pour en améliorer la complémentarité.
A chaque nouveau Huayco, on assiste à une course entre le directeur de la Defensa civil et le représentant du gouvernement régional pour apparaître en première page du journal local, s’amuse Alejandra, non sans une pointe d’amertume. C’est un exemple éloquent sur le travail qui attend l’IGP et ses partenaires au cours des nombreux ateliers et réunions prévus dans les mois à venir.
Enfin, conclut Alejandra, l’Institut étudie les pratiques traditionnelles de réaction aux événements climatiques afin de mieux comprendre l’approche locale et dégager les pratiques efficaces. Une tradition de la région consiste par exemple à faire éclater des pétards dès qu’une vague de froid est à l’approche. Les populations sont convaincues que cette tradition a un réel impact sur la contention du phénomène climatique, mais ceci n’a jamais été étudié jusqu’ici. Il s’agit donc pour l’IGP d’étudier ces pratiques ancestrales et autres coutumes, d’en connaitre l’origine et l’efficacité avérée. L’institut entreprend également un travail de veille sur les pratiques existantes dans d’autres régions du monde qui pourraient être adaptées dans le Mantaro.
Ce projet ambitieux de l’IGP fait face, on le voit, à une problématique extrêmement complexe, présentant de multiples facettes. Si la partie est loin d’être gagnée, le travail d’Alejandra et ses collègues permet d’espérer, et nous donne un excellent exemple des chantiers innovants à mettre en œuvre dans les pays dits « du sud » face au changement climatique.
Chronique irrégulière du changement climatique n°2 : rencontre avec Edson Ramirez à La Paz
Le retrait des glaciers andins, vers une crise de l’eau ?
Rencontre avec Edson Ramirez, glaciologue à l’IHH de La Paz.
Mon taxi, sans doute un fan de formule 1, semble prendre un malin plaisir à faire crisser ses pneus dans les virages de la voie rapide serpentant à travers la capitale bolivienne, sur plus de 1000 mètres de dénivelé, du centre touristique à la zone sud. Pas très rassuré, je suis sur le point de mettre ma ceinture de sécurité quand mon chauffeur s’arrête pour prendre un 5ème passager, qui vient s’assoir à mon côté, m’obligeant à me coller contre le levier de vitesse… Tant pis pour la ceinture.
Cette petite course n’est donc pas des plus confortables, ni des plus rassurantes, mais elle me permet de me rendre à l’Instituto Hidrico e Hidrologico (Institut Hydrique et Hydrologique) de La Paz, fief du glaciologue Edson Ramirez, pour une rencontre que j’attendais depuis longtemps. Edson va me parler de l’inquiétant recul des glaciers entourant La Paz et El Alto, sa ville siamoise, et de ses conséquences.
L’IHH travaille en proche collaboration avec l’Institut de Recherche et Développement (IRD) français. De fait, l’IRD a initié en 1991 le programme Great Ice consistant à surveiller et récolter un maximum d’informations sur les glaciers andins. De nombreux spécialistes boliviens se sont formés à Paris –c’est le cas de Edson Ramirez – et travaillent aujourd’hui en équipe avec les experts de l’IRD.
Chaque mois, ces équipes se rendent sur certains glaciers entourant La Paz pour effectuer un équilibre de la masse, une mesure de l’épaisseur de glace qui permet de savoir si la masse du glacier a connu des pertes ou des gains. Une fois par an, ils en mesurent la superficie totale. L’IHH procède également à une comptabilisation régulière des précipitations, du taux d’humidité ou encore des radiations solaires. Enfin, l’IRD a introduit il y a quelques années l’extraction de carottes glacières permettant de reconstituer le climat d’époques éloignées.
Edson m’avait proposé de l’accompagner sur une expédition à la rencontre de la population du village de Quoni, communauté vivant entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, juste en-dessous du glacier Illimani. L’objectif était d’en savoir plus sur leur perception des changements climatiques récents dans la région. Malheureusement, cette sortie a dû être annulée au dernier moment, mais je m’estime heureux de pouvoir rencontrer le plus éminent glaciologue bolivien.
Quelle est donc l’influence du changement climatique sur les glaciers andins, et plus précisément ceux qui entourent La Paz ? Dans la région andine, on a observé une diminution progressive des glaciers depuis le début du XXème siècle. Mais à partir de la fin des années 70, on constate une forte accélération : en 30 ans, certains glaciers on fondu 3 fois plus vite que depuis le début du siècle. Le cas le plus éloquent étant feu le glacier de Chacaltaya (voir photos), aujourd’hui disparu, sur lequel les paceños avaient l’habitude d’aller skier il y a encore 10 ans.
Pour introduire son propos, mon interlocuteur m’explique la nécessité de différencier les notions de variabilité climatique et changement climatique. Une partie des changements observés actuellement est due à la variabilité climatique, c’est à dire les évolutions cycliques du climat d’origine astronomique, causées par exemple par la variation de l’axe de rotation terrestre. Ces mutations cycliques ont lieu sur des périodes très longues, de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d’années.
Mais les modèles et la grande quantité de données récoltées nous révèlent qu’une partie non négligeable de ces changements est due à l’activité humaine et l’émission de gaz à effets de serre comme le CO2, coïncidant avec la première révolution industrielle. C’est à cela que l’on doit le changement climatique, qui lui n’est pas cyclique, mais provoque une accélération des tendances naturelles. Ce qui marque ce phénomène, c’est des variations de températures fortes qui ont lieu sur une période très courte (200 ans par rapport à des milliers d’années dans le cas de la variabilité naturelle.) Au cours du dernier siècle, on a constaté une augmentation moyenne des températures de 0,5 degrés Celcius sur l’ensemble du globe. En plus de cette progression, on a vu dans les Andes une augmentation des amplitudes de températures observées - hivers plus froids et étés plus chauds - qui pourrait presque masquer le phénomène d’augmentation moyenne des températures.
La somme de ces changements d’origine naturelle (variabilité climatique) et humaine (changement climatique), appelée changement global, a de graves implications pour les populations vivant depuis des millénaires au contact des glaciers andins. Le cas des villes de La Paz et El alto est représentatif de nombreuses agglomérations situées sur une région allant de l’Equateur jusqu’à la Patagonie.
Selon Edson Ramirez, le premier impact à déplorer est la perte du paysage traditionnel andin qui a toujours caractérisé la région. Cela pourrait en effet entraîner de graves conséquences économiques avec une baisse des revenus touristiques : de nombreux touristes se rendent à la capitale Bolivienne attirés par les nombreux et majestueux glaciers qui l’entourent.
Un deuxième effet, peut-être plus grave, concerne l’usage de l’eau. Les ressources actuelles sont utilisées avant tout pour l’eau potable et la génération d’électricité. Elles proviennent de deux sources: le glacier et la pluie. Si l’on considère qu’il continue à pleuvoir autant qu’auparavant, une crise de l’eau n’est pas à craindre. Seulement, les modèles prédisent une réduction des précipitations conséquente au changement climatique dans le nord de la Bolivie. A titre d’exemple, cette année la région a connu un déficit des précipitations de l’ordre de 30%, et les réservoirs de la ville n’ont pas pu se remplir.
Edson m’explique que les glaciers andins sont pour l’essentiel des glaciers tropicaux, et ont un fonctionnement bien distinct de celui de nos glaciers alpins. Dans les Alpes, l’hiver correspond à la période des pluies, pendant lequel les glaciers se nourrissent. Au fur et à mesure que les températures augmentent avec l’approche de l’été, ils fondent et nous alimentent en eau.
Dans les Andes tropicales par contre, la saison des pluies arrive en été. Pendant la seule période où le glacier peut s’alimenter en eau, il voit aussi sa masse diminuer rapidement. Les glaciers andins ont donc un fonctionnement complexe qui peut être affecté par des modifications minimes du climat. C’est la raison pour laquelle les glaciers des zones tropicales sont considérés comme d’excellents indicateurs du changement climatique (cela explique la présence de l’IRD dans la zone depuis 1991.)
Cette tendance a donc des conséquences dramatiques pour l’usage des ressources en eau. En effet, les villes de La Paz et El alto augmentent leur consommation (croissance annuelle de 5% pour El Alto), et cette tendance doit se poursuivre avec la croissance de la population. On se heurte donc à un problème puisque les ressources en eau, quant à elles, sont limitées et promettent même de se réduire. On a donc ici tous les éléments pour une crise de l’eau affectant les villes de La Paz et el Alto…
Quelles sont les solutions envisagées pour faire face à cette situation ?
On a vu se multiplier au cours des dernières années les négociations internationales pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Mais même si demain voyait la naissance d’un compromis mondial pour une réduction drastique de ces émissions (ce qui est malheureusement fort peu probable), il faudrait des dizaines années pour qu’apparaissent des répercussions positives. Non, le changement climatique est déjà là et nous n’avons d’autres choix que de nous y adapter (les négociations internationales restent bien sûr une impérieuse nécessité.)
Quelles mesures d’adaptation donc ? C’est bien là le principal problème auquel font face Edson Ramirez et ses pairs. Certaines voix ont proposé d’exploiter de nouvelles nappes souterraines. Une solution rejetée par Edson, qui avance l’incertitude sur les quantités d’eau disponibles dans ces nappes. On risquerait ainsi de surexploiter des ressources qui doivent être réservées aux générations futures.
Les solutions d’adaptation posent plusieurs difficultés. D’une part, elles ont souvent une forte composante technologique et donc un coût les rendant prohibitives pour les pays en développement, qui connaissent de plus certaines limites pour implémenter ce type de mesures (infrastructures existantes, know-how, etc.)
D’autre part, même si un avancement important a été fait au cours des dernières années en termes d’investigation, on n’a pas encore une idée complète de la priorisation à faire de ces mesures. En clair, reprend Edson, même si quelques agences de coopération internationale sont disposées à intervenir financièrement, on ne sait toujours pas exactement à quoi s’adapter en priorité.
Cependant, plutôt que de se croiser les bras en attendant que ces recherches soient complétées, Edson Ramirez a son idée sur la manière de réagir dans l’immédiat. Selon lui, il faut avant tout commencer par rationnaliser l’usage des ressources existantes. Actuellement, le réseau d’approvisionnement de la ville de El Alto, touchant à peu près un million d’habitants, accuse des pertes qui peuvent atteindre 40 à 50% des ressources en eau (fuites, eau non comptabilisée, etc.)
Rien qu’en apportant une solution à ce problème on pourra, sinon éviter une future crise de l’eau, du moins en repousser l’échéance. Il s’agit donc d’optimiser l’eau dont les Boliviens disposent plutôt que d’avoir recours à de nouvelles ressources dont les capacités sont incertaines.
Ensuite, poursuit Edson, on doit également considérer des options technologiques au coût relativement faible tel que le recyclage de l’eau. Il peut s’agir de filets récoltant l’humidité de la brume, une solution déjà adoptée par le Chili, mais également d’installer des systèmes de récupération des eaux de pluie chez le particulier. Par ailleurs, de nombreuses activités ménagères comme la vaisselle, l’arrosage des plantes ou le lavage de la voiture ne nécessitent pas l’usage de l’eau potable.
On voit donc que les seuls types de mesures applicables immédiatement passent, d’une part, par l’optimisation des ressources existantes dans la région et, d’autre part, par un meilleur usage de l’eau par les habitants.
On ne pourra pas optimiser les ressources en eau sans un engagement fort du gouvernement. Edson m’explique qu’il y a dix ans, il avait porté le même message au gouvernement de l’époque, mais les prévisions présentées alors n’avaient pas permis d’obtenir plus que de pieux vœux de la part des politiciens en place.
Quel est justement le degré de compréhension des enjeux et la volonté d’action de l’administration Evo Morales ? Les effets annoncés jadis se faisant sentir désormais, le gouvernement fait preuve d’une plus grande attention. Les ministères de l’eau et de l’environnement commencent à s’impliquer fortement dans cette problématique, et les glaciologues de l’IHH et de l’IRD ont même pu rencontrer le président pour lui porter directement l’alarmant message.
Il y a donc une vraie prédisposition à travailler ensemble entre tous les acteurs concernés, résume Edson. Mais il existe un décalage temporel. C’est une course contre la montre dans laquelle les acteurs de la lutte contre le changement climatique accusent un lourd retard.
2009 est, en effet, une année charnière, m’explique le Doctor Ramirez. Les données statistiques existantes la désignent comme l’année de la rupture de l’équilibre : on utilise plus d’eau que ne peut en apporter la nature.
Pour la première fois, la ville de La Paz a été au bord du rationnement. Les réserves de la ville ne se sont presque pas approvisionnées pendant une saison des pluies marquée par un manque de précipitations. Et si l’on a pu éviter le rationnement, il a fallu modifier des comportements culturels ancestraux. Pour la première fois, il a fallu interdire aux habitants de la capitale de jouer avec l’eau pendant le carnaval Bolivien, la plus importante fête populaire de l’année où petits et grands ont la gâchette (de pistolet à eau) facile. Il est très probable que cette interdiction se poursuive l’année prochaine, menant fin à une tradition ancestrale.
Ce qui nous mène au deuxième type de mesures applicables immédiatement, la promotion d’un meilleur usage de l’eau auprès des habitants de La Paz et El Alto.
Dans ce domaine, le travail a commencé avec la diffusion de spots publicitaires sensibilisant la population à la raréfaction de l‘eau, et à la nécessité d’adapter les comportements.
L’IHH n’est pas en reste, et mène des actions d’éducation dans les collèges des deux villes jumelles. Celles-ci consistent pour l’essentiel en des discussions avec les enfants, à qui l’on montre les alarmantes photos du Chacaltaya. Edson conclue notre entretien en insistant sur le potentiel des enfants pour faire passer le message aux adultes.
De plus, ce sont bien les générations futures qui hériteront de cette situation, à laquelle elles doivent être préparés le mieux possible.
Rencontre avec Edson Ramirez, glaciologue à l’IHH de La Paz.
Mon taxi, sans doute un fan de formule 1, semble prendre un malin plaisir à faire crisser ses pneus dans les virages de la voie rapide serpentant à travers la capitale bolivienne, sur plus de 1000 mètres de dénivelé, du centre touristique à la zone sud. Pas très rassuré, je suis sur le point de mettre ma ceinture de sécurité quand mon chauffeur s’arrête pour prendre un 5ème passager, qui vient s’assoir à mon côté, m’obligeant à me coller contre le levier de vitesse… Tant pis pour la ceinture.
Cette petite course n’est donc pas des plus confortables, ni des plus rassurantes, mais elle me permet de me rendre à l’Instituto Hidrico e Hidrologico (Institut Hydrique et Hydrologique) de La Paz, fief du glaciologue Edson Ramirez, pour une rencontre que j’attendais depuis longtemps. Edson va me parler de l’inquiétant recul des glaciers entourant La Paz et El Alto, sa ville siamoise, et de ses conséquences.
L’IHH travaille en proche collaboration avec l’Institut de Recherche et Développement (IRD) français. De fait, l’IRD a initié en 1991 le programme Great Ice consistant à surveiller et récolter un maximum d’informations sur les glaciers andins. De nombreux spécialistes boliviens se sont formés à Paris –c’est le cas de Edson Ramirez – et travaillent aujourd’hui en équipe avec les experts de l’IRD.
Chaque mois, ces équipes se rendent sur certains glaciers entourant La Paz pour effectuer un équilibre de la masse, une mesure de l’épaisseur de glace qui permet de savoir si la masse du glacier a connu des pertes ou des gains. Une fois par an, ils en mesurent la superficie totale. L’IHH procède également à une comptabilisation régulière des précipitations, du taux d’humidité ou encore des radiations solaires. Enfin, l’IRD a introduit il y a quelques années l’extraction de carottes glacières permettant de reconstituer le climat d’époques éloignées.
Edson m’avait proposé de l’accompagner sur une expédition à la rencontre de la population du village de Quoni, communauté vivant entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, juste en-dessous du glacier Illimani. L’objectif était d’en savoir plus sur leur perception des changements climatiques récents dans la région. Malheureusement, cette sortie a dû être annulée au dernier moment, mais je m’estime heureux de pouvoir rencontrer le plus éminent glaciologue bolivien.
Quelle est donc l’influence du changement climatique sur les glaciers andins, et plus précisément ceux qui entourent La Paz ? Dans la région andine, on a observé une diminution progressive des glaciers depuis le début du XXème siècle. Mais à partir de la fin des années 70, on constate une forte accélération : en 30 ans, certains glaciers on fondu 3 fois plus vite que depuis le début du siècle. Le cas le plus éloquent étant feu le glacier de Chacaltaya (voir photos), aujourd’hui disparu, sur lequel les paceños avaient l’habitude d’aller skier il y a encore 10 ans.
Pour introduire son propos, mon interlocuteur m’explique la nécessité de différencier les notions de variabilité climatique et changement climatique. Une partie des changements observés actuellement est due à la variabilité climatique, c’est à dire les évolutions cycliques du climat d’origine astronomique, causées par exemple par la variation de l’axe de rotation terrestre. Ces mutations cycliques ont lieu sur des périodes très longues, de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d’années.
Mais les modèles et la grande quantité de données récoltées nous révèlent qu’une partie non négligeable de ces changements est due à l’activité humaine et l’émission de gaz à effets de serre comme le CO2, coïncidant avec la première révolution industrielle. C’est à cela que l’on doit le changement climatique, qui lui n’est pas cyclique, mais provoque une accélération des tendances naturelles. Ce qui marque ce phénomène, c’est des variations de températures fortes qui ont lieu sur une période très courte (200 ans par rapport à des milliers d’années dans le cas de la variabilité naturelle.) Au cours du dernier siècle, on a constaté une augmentation moyenne des températures de 0,5 degrés Celcius sur l’ensemble du globe. En plus de cette progression, on a vu dans les Andes une augmentation des amplitudes de températures observées - hivers plus froids et étés plus chauds - qui pourrait presque masquer le phénomène d’augmentation moyenne des températures.
La somme de ces changements d’origine naturelle (variabilité climatique) et humaine (changement climatique), appelée changement global, a de graves implications pour les populations vivant depuis des millénaires au contact des glaciers andins. Le cas des villes de La Paz et El alto est représentatif de nombreuses agglomérations situées sur une région allant de l’Equateur jusqu’à la Patagonie.
Selon Edson Ramirez, le premier impact à déplorer est la perte du paysage traditionnel andin qui a toujours caractérisé la région. Cela pourrait en effet entraîner de graves conséquences économiques avec une baisse des revenus touristiques : de nombreux touristes se rendent à la capitale Bolivienne attirés par les nombreux et majestueux glaciers qui l’entourent.
Un deuxième effet, peut-être plus grave, concerne l’usage de l’eau. Les ressources actuelles sont utilisées avant tout pour l’eau potable et la génération d’électricité. Elles proviennent de deux sources: le glacier et la pluie. Si l’on considère qu’il continue à pleuvoir autant qu’auparavant, une crise de l’eau n’est pas à craindre. Seulement, les modèles prédisent une réduction des précipitations conséquente au changement climatique dans le nord de la Bolivie. A titre d’exemple, cette année la région a connu un déficit des précipitations de l’ordre de 30%, et les réservoirs de la ville n’ont pas pu se remplir.
Edson m’explique que les glaciers andins sont pour l’essentiel des glaciers tropicaux, et ont un fonctionnement bien distinct de celui de nos glaciers alpins. Dans les Alpes, l’hiver correspond à la période des pluies, pendant lequel les glaciers se nourrissent. Au fur et à mesure que les températures augmentent avec l’approche de l’été, ils fondent et nous alimentent en eau.
Dans les Andes tropicales par contre, la saison des pluies arrive en été. Pendant la seule période où le glacier peut s’alimenter en eau, il voit aussi sa masse diminuer rapidement. Les glaciers andins ont donc un fonctionnement complexe qui peut être affecté par des modifications minimes du climat. C’est la raison pour laquelle les glaciers des zones tropicales sont considérés comme d’excellents indicateurs du changement climatique (cela explique la présence de l’IRD dans la zone depuis 1991.)
Cette tendance a donc des conséquences dramatiques pour l’usage des ressources en eau. En effet, les villes de La Paz et El alto augmentent leur consommation (croissance annuelle de 5% pour El Alto), et cette tendance doit se poursuivre avec la croissance de la population. On se heurte donc à un problème puisque les ressources en eau, quant à elles, sont limitées et promettent même de se réduire. On a donc ici tous les éléments pour une crise de l’eau affectant les villes de La Paz et el Alto…
Quelles sont les solutions envisagées pour faire face à cette situation ?
On a vu se multiplier au cours des dernières années les négociations internationales pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Mais même si demain voyait la naissance d’un compromis mondial pour une réduction drastique de ces émissions (ce qui est malheureusement fort peu probable), il faudrait des dizaines années pour qu’apparaissent des répercussions positives. Non, le changement climatique est déjà là et nous n’avons d’autres choix que de nous y adapter (les négociations internationales restent bien sûr une impérieuse nécessité.)
Quelles mesures d’adaptation donc ? C’est bien là le principal problème auquel font face Edson Ramirez et ses pairs. Certaines voix ont proposé d’exploiter de nouvelles nappes souterraines. Une solution rejetée par Edson, qui avance l’incertitude sur les quantités d’eau disponibles dans ces nappes. On risquerait ainsi de surexploiter des ressources qui doivent être réservées aux générations futures.
Les solutions d’adaptation posent plusieurs difficultés. D’une part, elles ont souvent une forte composante technologique et donc un coût les rendant prohibitives pour les pays en développement, qui connaissent de plus certaines limites pour implémenter ce type de mesures (infrastructures existantes, know-how, etc.)
D’autre part, même si un avancement important a été fait au cours des dernières années en termes d’investigation, on n’a pas encore une idée complète de la priorisation à faire de ces mesures. En clair, reprend Edson, même si quelques agences de coopération internationale sont disposées à intervenir financièrement, on ne sait toujours pas exactement à quoi s’adapter en priorité.
Cependant, plutôt que de se croiser les bras en attendant que ces recherches soient complétées, Edson Ramirez a son idée sur la manière de réagir dans l’immédiat. Selon lui, il faut avant tout commencer par rationnaliser l’usage des ressources existantes. Actuellement, le réseau d’approvisionnement de la ville de El Alto, touchant à peu près un million d’habitants, accuse des pertes qui peuvent atteindre 40 à 50% des ressources en eau (fuites, eau non comptabilisée, etc.)
Rien qu’en apportant une solution à ce problème on pourra, sinon éviter une future crise de l’eau, du moins en repousser l’échéance. Il s’agit donc d’optimiser l’eau dont les Boliviens disposent plutôt que d’avoir recours à de nouvelles ressources dont les capacités sont incertaines.
Ensuite, poursuit Edson, on doit également considérer des options technologiques au coût relativement faible tel que le recyclage de l’eau. Il peut s’agir de filets récoltant l’humidité de la brume, une solution déjà adoptée par le Chili, mais également d’installer des systèmes de récupération des eaux de pluie chez le particulier. Par ailleurs, de nombreuses activités ménagères comme la vaisselle, l’arrosage des plantes ou le lavage de la voiture ne nécessitent pas l’usage de l’eau potable.
On voit donc que les seuls types de mesures applicables immédiatement passent, d’une part, par l’optimisation des ressources existantes dans la région et, d’autre part, par un meilleur usage de l’eau par les habitants.
On ne pourra pas optimiser les ressources en eau sans un engagement fort du gouvernement. Edson m’explique qu’il y a dix ans, il avait porté le même message au gouvernement de l’époque, mais les prévisions présentées alors n’avaient pas permis d’obtenir plus que de pieux vœux de la part des politiciens en place.
Quel est justement le degré de compréhension des enjeux et la volonté d’action de l’administration Evo Morales ? Les effets annoncés jadis se faisant sentir désormais, le gouvernement fait preuve d’une plus grande attention. Les ministères de l’eau et de l’environnement commencent à s’impliquer fortement dans cette problématique, et les glaciologues de l’IHH et de l’IRD ont même pu rencontrer le président pour lui porter directement l’alarmant message.
Il y a donc une vraie prédisposition à travailler ensemble entre tous les acteurs concernés, résume Edson. Mais il existe un décalage temporel. C’est une course contre la montre dans laquelle les acteurs de la lutte contre le changement climatique accusent un lourd retard.
2009 est, en effet, une année charnière, m’explique le Doctor Ramirez. Les données statistiques existantes la désignent comme l’année de la rupture de l’équilibre : on utilise plus d’eau que ne peut en apporter la nature.
Pour la première fois, la ville de La Paz a été au bord du rationnement. Les réserves de la ville ne se sont presque pas approvisionnées pendant une saison des pluies marquée par un manque de précipitations. Et si l’on a pu éviter le rationnement, il a fallu modifier des comportements culturels ancestraux. Pour la première fois, il a fallu interdire aux habitants de la capitale de jouer avec l’eau pendant le carnaval Bolivien, la plus importante fête populaire de l’année où petits et grands ont la gâchette (de pistolet à eau) facile. Il est très probable que cette interdiction se poursuive l’année prochaine, menant fin à une tradition ancestrale.
Ce qui nous mène au deuxième type de mesures applicables immédiatement, la promotion d’un meilleur usage de l’eau auprès des habitants de La Paz et El Alto.
Dans ce domaine, le travail a commencé avec la diffusion de spots publicitaires sensibilisant la population à la raréfaction de l‘eau, et à la nécessité d’adapter les comportements.
L’IHH n’est pas en reste, et mène des actions d’éducation dans les collèges des deux villes jumelles. Celles-ci consistent pour l’essentiel en des discussions avec les enfants, à qui l’on montre les alarmantes photos du Chacaltaya. Edson conclue notre entretien en insistant sur le potentiel des enfants pour faire passer le message aux adultes.
De plus, ce sont bien les générations futures qui hériteront de cette situation, à laquelle elles doivent être préparés le mieux possible.
vendredi
1er article : Buenos Aires, rencontre avec Greenpeace
Je me trouve actuellement à La Paz, Bolivie, où j´ai finalement le temps de me poser un peu et d´actualiser le blog. La dernière semaine a été chargèe, avec une traversèe de 3 jours entre San Pedro de Atacama au Chili et la ville de Uyuni en Bolivie, tout près du fameux salar du même nom, le plus grand au monde avec ses 11500 km 2.
Je me suis ensuite rendu à Sucre, la capitale juridique du pays, où j´ai passé quelques jours chez mon ami quebecquois Jean Alexandre, qui travaille pour la filiale locale de Oxfam.
Mais l´objet du post est surtout de vous dire que le premier article du projet Résolutions Ecologiques est écrit. Vous pouvez le lire ci-dessous. J´en profite pour remercier les sites ecoloinfo et the greenpostbox, ainsi que le portail Horizon Etudiant qui ont accepté de relayer cet article dans leurs pages... Les liens de ces deux sites sont disponibles sur la partie droite de ce blog (liste de liens utiles)
----------------------------------------------------------------------
Buenos aires, Argentine : rencontre avec Greenpeace
La problématique du changement climatique est vaste, et englobe une multitude d’aspects. Rares sont les scientifiques sérieux qui s’obstinent à le nier: le fonctionnement actuel du capitalisme, dans toute sa complexité, est intimement lié au changement que connaît notre planète.
J’ai donc décidé de centrer mon propos sur les deux pratiques essentielles dans la réponse au phénomène : les projets d’adaptation (consistant à mettre en place des systèmes innovants pour faire face aux conséquences du changement climatique), et les projets de mitigation (ou d’atténuation, visant à en limiter la progression).
Mon voyage « sur les traces » du changement climatique commence à Buenos Aires, en Argentine...
J’y ai deux rendez-vous, l'un avec le directeur de la cellule changement climatique du Secrétariat d’Etat à l’environnement, le docteur Nazareño Castillo, l'autre avec la filiale argentine de Greenpeace.
Autant le dire tout de suite : je suis sorti déçu du premier. Lors de mes prises de contact préliminaires, on m’avait parlé de projets pilotes d’irrigation face à la désertification, l’un des principaux impacts du changement climatique en Argentine. Or une fois sur place, je me rends compte que rien de concret n’a encore été mis en place par le gouvernement. Tout juste est-il en train de poser les bases d’un projet d’adaptation d’une communauté de la province Formosa, au nord du pays, en proie à des inondations toujours plus récurrentes et violentes - une autre conséquence locale du dérèglement du climat... Mais, de l’étude détaillée du contexte à la recherche de fonds, tout reste à faire pour que ce projet puisse voir le jour. Je ne m’étendrai donc pas plus sur cette réunion qui me laisse un goût amer.
Direction Greenpeace, où m’attendait une rencontre plus intéressante…
Le mur végétal recouvrant la façade – un peu à la manière du musée du quai Branly à Paris – ne saurait mieux signaler au visiteur l’emplacement des bureaux porteños de l‘association. A l’intérieur, des œuvres d’art « vertes » égaient les murs et un panneau électronique indique les économies d’énergie réalisées par les panneaux solaires installés sur le toit.
J’ai pu y recueillir le témoignage de Yanina Rullo, la directrice de projet chargée de la première campagne de sensibilisation au changement climatique en Argentine, étendue à partir de fin 2007 sur toute l’année 2008. Un projet de mitigation puisqu’il vise à inciter les particuliers à limiter leur empreinte carbone, et faire pression sur la classe politique.
Yanina entre directement dans le vif du sujet. Elle commence par m’expliquer que si les campagnes de Greenpeace sont coordonnées entre ses filiales au niveau international, l’antenne argentine partait avec un train de retard… En effet, Greenpeace distingue deux stades dans son approche de la sensibilisation au changement climatique : l’efficience énergétique, et le développement des énergies renouvelables. Les anglais, par exemple, ont déjà traité la thématique de l’efficience énergétique et concentrent maintenant leurs actions de communication sur le deuxième stade.
Les activistes argentins considèrent quant à eux qu’il est trop tôt pour évoquer les énergies renouvelables, dans un pays où les politiques et les niveaux d’investissement nationaux en la matière sont proches du néant. Selon eux, il faut avant tout parler d’efficience énergétique, une notion impliquant des mesures réalisables dès aujourd’hui par le plus grand nombre.
La filiale argentine de Greenpeace partait donc de loin. Yanina m’explique que la campagne sur l’efficience énergétique faisait face à un premier défi: faire comprendre à chacun la relation entre consommation d’énergie, émission de gaz à effets de serre et changement climatique. En effet, si les européens, à grands renforts de communication, sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux à faire le lien, c’est loin d’être encore le cas en Argentine.
Pour appuyer son propos, Yanina me précise que le secteur argentin de l’énergie est le premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre (47%), suivi par l’agriculture (44%). Elle m’explique également que la matrice énergétique argentine est l’une des plus désastreuses du continent sud-américain, avec un parc énergétique constitué à 90% d’énergies fossiles (l’énergie hydroélectrique et l’énergie nucléaire en représentent respectivement 5 et 3%). Les énergies renouvelables, quant à elles, occupent une place dérisoire en raison, selon mon interlocutrice, du bas prix de l’énergie. En effet jusqu’à présent, un consommateur laissant toutes ses ampoules allumées à longueur de journée ne sentait presque pas de différence sur sa facture en fin de mois, comparé avec une consommation vertueuse. Ces prix faibles dans l’absolu n’ont pas permis de dégager des fonds pour investir dans la recherche et développement des énergies propres.
Par ailleurs, cela en dit long sur le faible intérêt du gouvernement pour inciter les particuliers à diminuer leur consommation. Avant la campagne de Greenpeace, aucun gouvernement n’avait mis en place de politique d’efficience énergétique à long terme. Tout juste l’administration actuelle commence-t-elle à mettre en place un système d’incitation tarifaire pour les consommateurs, avec des réductions de prix notables en fonction de l’énergie consommée. Les arguments des écologistes évoqués plus haut auraient-ils trouvé une oreille attentive chez quelque technocrate ? Peut-être… A moins que la raison soit à chercher ailleurs. En effet, une grave crise d’approvisionnement en énergie se profile au pays des gauchos, avec des réserves de gaz naturel qui se réduisent à grand pas (celui-ci compte pour 50% de la production d’électricité), et une production hydroélectrique mise à mal par la réduction du débit des fleuves, due à la diminution des glaciers andins (encore une conséquence du dérèglement climatique).
Pour faire passer son message, Greenpeace avait besoin d’un exemple parlant et d’une action forte. L’association a donc a commencé par demander l’interdiction des ampoules incandescentes, en soulignant que 80% de l’énergie émise par ce type d’ampoules se perd, transformée en chaleur en lieu de lumière. Pour que le public puisse se faire une idée de la perte sèche d’énergie, l’ONG a utilisé la comparaison suivante : si tous les usagers du pays remplaçaient leurs ampoules classiques par des ampoules de basse consommation, l’énergie ainsi économisée équivaudrait à celle émise par une centrale nucléaire.
Il fallait aussi attirer l’attention des média pour obtenir une couverture optimale: pour ce faire, des activistes sont entrés au ministère de la culture argentin et se sont chargés eux-mêmes de remplacer les ampoules du hall d’entrée par des ampoules LED. Une action non violente et suffisamment originale pour attirer l’attention des médias, dans la plus pure tradition Greenpeace. L’ONG s’est ainsi adressée directement au gouvernement pour que celui-ci donne l’exemple en remplaçant toutes les ampoules incandescentes de ses bâtiments administratifs.
Suite à cette action, l’administration Krishner s’est appropriée l’idée de l’association et a pris une première mesure dans le sens de l’efficience énergétique, non seulement en s’engageant à changer ses lampes, mais elle est allée bien plus loin en lançant une loi visant à interdire les lampes classiques pour tout le marché résidentiel argentin en 2010. La loi a été promulguée et est en cours d’application.
Citons également, parmi les actions de l’association, un visuel impactant dont l’objectif était avant tout de communiquer sur la réalité du changement climatique dans le pays. En Argentine, ses effets recouvrent l’augmentation des températures, la désertification progressive dans les provinces du Chaco et de Salta, l’irrégularité croissante des précipitations dans la Pampa et l’augmentation des phénomènes extrêmes, comme les tempêtes et les inondations qui s’en suivent. Mais l’impact le plus parlant reste la disparition des glaciers. Greenpeace a donc réalisé un visuel comparant une photo du glacier Upsala, au sud de la Patagonie, prise en 1928 avec une autre photo datant de 2004. Le contraste est criant… La légende se contente de demander « De quelle autre preuve as-tu besoin ? ».
Quand je lui demande son opinion sur l’évolution à venir du niveau d’intérêt des médias argentins pour les problématiques environnementales, Yanina se montre optimiste. Même si les enjeux environnementaux font rarement la une des journaux, les journalistes se montrent de plus en plus proactifs et sollicitent régulièrement l’opinion des ONG écologistes. Elle ajoute que de nombreux cursus liés à l’environnement ont vu le jour au cours des dernières années dans les facultés argentines.
Yanina conclue l’entretien en me conseillant d’aller visiter le site Internet de l’association. Celui-ci est très bien fait et donne une bonne idée de la diversité des actions mises en place par Greenpeace en Argentine. Les hispanophones seront bien inspirés d’aller y faire un tour !
Je me suis ensuite rendu à Sucre, la capitale juridique du pays, où j´ai passé quelques jours chez mon ami quebecquois Jean Alexandre, qui travaille pour la filiale locale de Oxfam.
Mais l´objet du post est surtout de vous dire que le premier article du projet Résolutions Ecologiques est écrit. Vous pouvez le lire ci-dessous. J´en profite pour remercier les sites ecoloinfo et the greenpostbox, ainsi que le portail Horizon Etudiant qui ont accepté de relayer cet article dans leurs pages... Les liens de ces deux sites sont disponibles sur la partie droite de ce blog (liste de liens utiles)
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Buenos aires, Argentine : rencontre avec Greenpeace
La problématique du changement climatique est vaste, et englobe une multitude d’aspects. Rares sont les scientifiques sérieux qui s’obstinent à le nier: le fonctionnement actuel du capitalisme, dans toute sa complexité, est intimement lié au changement que connaît notre planète.
J’ai donc décidé de centrer mon propos sur les deux pratiques essentielles dans la réponse au phénomène : les projets d’adaptation (consistant à mettre en place des systèmes innovants pour faire face aux conséquences du changement climatique), et les projets de mitigation (ou d’atténuation, visant à en limiter la progression).
Mon voyage « sur les traces » du changement climatique commence à Buenos Aires, en Argentine...
J’y ai deux rendez-vous, l'un avec le directeur de la cellule changement climatique du Secrétariat d’Etat à l’environnement, le docteur Nazareño Castillo, l'autre avec la filiale argentine de Greenpeace.
Autant le dire tout de suite : je suis sorti déçu du premier. Lors de mes prises de contact préliminaires, on m’avait parlé de projets pilotes d’irrigation face à la désertification, l’un des principaux impacts du changement climatique en Argentine. Or une fois sur place, je me rends compte que rien de concret n’a encore été mis en place par le gouvernement. Tout juste est-il en train de poser les bases d’un projet d’adaptation d’une communauté de la province Formosa, au nord du pays, en proie à des inondations toujours plus récurrentes et violentes - une autre conséquence locale du dérèglement du climat... Mais, de l’étude détaillée du contexte à la recherche de fonds, tout reste à faire pour que ce projet puisse voir le jour. Je ne m’étendrai donc pas plus sur cette réunion qui me laisse un goût amer.
Direction Greenpeace, où m’attendait une rencontre plus intéressante…
Le mur végétal recouvrant la façade – un peu à la manière du musée du quai Branly à Paris – ne saurait mieux signaler au visiteur l’emplacement des bureaux porteños de l‘association. A l’intérieur, des œuvres d’art « vertes » égaient les murs et un panneau électronique indique les économies d’énergie réalisées par les panneaux solaires installés sur le toit.
J’ai pu y recueillir le témoignage de Yanina Rullo, la directrice de projet chargée de la première campagne de sensibilisation au changement climatique en Argentine, étendue à partir de fin 2007 sur toute l’année 2008. Un projet de mitigation puisqu’il vise à inciter les particuliers à limiter leur empreinte carbone, et faire pression sur la classe politique.
Yanina entre directement dans le vif du sujet. Elle commence par m’expliquer que si les campagnes de Greenpeace sont coordonnées entre ses filiales au niveau international, l’antenne argentine partait avec un train de retard… En effet, Greenpeace distingue deux stades dans son approche de la sensibilisation au changement climatique : l’efficience énergétique, et le développement des énergies renouvelables. Les anglais, par exemple, ont déjà traité la thématique de l’efficience énergétique et concentrent maintenant leurs actions de communication sur le deuxième stade.
Les activistes argentins considèrent quant à eux qu’il est trop tôt pour évoquer les énergies renouvelables, dans un pays où les politiques et les niveaux d’investissement nationaux en la matière sont proches du néant. Selon eux, il faut avant tout parler d’efficience énergétique, une notion impliquant des mesures réalisables dès aujourd’hui par le plus grand nombre.
La filiale argentine de Greenpeace partait donc de loin. Yanina m’explique que la campagne sur l’efficience énergétique faisait face à un premier défi: faire comprendre à chacun la relation entre consommation d’énergie, émission de gaz à effets de serre et changement climatique. En effet, si les européens, à grands renforts de communication, sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux à faire le lien, c’est loin d’être encore le cas en Argentine.
Pour appuyer son propos, Yanina me précise que le secteur argentin de l’énergie est le premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre (47%), suivi par l’agriculture (44%). Elle m’explique également que la matrice énergétique argentine est l’une des plus désastreuses du continent sud-américain, avec un parc énergétique constitué à 90% d’énergies fossiles (l’énergie hydroélectrique et l’énergie nucléaire en représentent respectivement 5 et 3%). Les énergies renouvelables, quant à elles, occupent une place dérisoire en raison, selon mon interlocutrice, du bas prix de l’énergie. En effet jusqu’à présent, un consommateur laissant toutes ses ampoules allumées à longueur de journée ne sentait presque pas de différence sur sa facture en fin de mois, comparé avec une consommation vertueuse. Ces prix faibles dans l’absolu n’ont pas permis de dégager des fonds pour investir dans la recherche et développement des énergies propres.
Par ailleurs, cela en dit long sur le faible intérêt du gouvernement pour inciter les particuliers à diminuer leur consommation. Avant la campagne de Greenpeace, aucun gouvernement n’avait mis en place de politique d’efficience énergétique à long terme. Tout juste l’administration actuelle commence-t-elle à mettre en place un système d’incitation tarifaire pour les consommateurs, avec des réductions de prix notables en fonction de l’énergie consommée. Les arguments des écologistes évoqués plus haut auraient-ils trouvé une oreille attentive chez quelque technocrate ? Peut-être… A moins que la raison soit à chercher ailleurs. En effet, une grave crise d’approvisionnement en énergie se profile au pays des gauchos, avec des réserves de gaz naturel qui se réduisent à grand pas (celui-ci compte pour 50% de la production d’électricité), et une production hydroélectrique mise à mal par la réduction du débit des fleuves, due à la diminution des glaciers andins (encore une conséquence du dérèglement climatique).
Pour faire passer son message, Greenpeace avait besoin d’un exemple parlant et d’une action forte. L’association a donc a commencé par demander l’interdiction des ampoules incandescentes, en soulignant que 80% de l’énergie émise par ce type d’ampoules se perd, transformée en chaleur en lieu de lumière. Pour que le public puisse se faire une idée de la perte sèche d’énergie, l’ONG a utilisé la comparaison suivante : si tous les usagers du pays remplaçaient leurs ampoules classiques par des ampoules de basse consommation, l’énergie ainsi économisée équivaudrait à celle émise par une centrale nucléaire.
Il fallait aussi attirer l’attention des média pour obtenir une couverture optimale: pour ce faire, des activistes sont entrés au ministère de la culture argentin et se sont chargés eux-mêmes de remplacer les ampoules du hall d’entrée par des ampoules LED. Une action non violente et suffisamment originale pour attirer l’attention des médias, dans la plus pure tradition Greenpeace. L’ONG s’est ainsi adressée directement au gouvernement pour que celui-ci donne l’exemple en remplaçant toutes les ampoules incandescentes de ses bâtiments administratifs.
Suite à cette action, l’administration Krishner s’est appropriée l’idée de l’association et a pris une première mesure dans le sens de l’efficience énergétique, non seulement en s’engageant à changer ses lampes, mais elle est allée bien plus loin en lançant une loi visant à interdire les lampes classiques pour tout le marché résidentiel argentin en 2010. La loi a été promulguée et est en cours d’application.
Citons également, parmi les actions de l’association, un visuel impactant dont l’objectif était avant tout de communiquer sur la réalité du changement climatique dans le pays. En Argentine, ses effets recouvrent l’augmentation des températures, la désertification progressive dans les provinces du Chaco et de Salta, l’irrégularité croissante des précipitations dans la Pampa et l’augmentation des phénomènes extrêmes, comme les tempêtes et les inondations qui s’en suivent. Mais l’impact le plus parlant reste la disparition des glaciers. Greenpeace a donc réalisé un visuel comparant une photo du glacier Upsala, au sud de la Patagonie, prise en 1928 avec une autre photo datant de 2004. Le contraste est criant… La légende se contente de demander « De quelle autre preuve as-tu besoin ? ».
Quand je lui demande son opinion sur l’évolution à venir du niveau d’intérêt des médias argentins pour les problématiques environnementales, Yanina se montre optimiste. Même si les enjeux environnementaux font rarement la une des journaux, les journalistes se montrent de plus en plus proactifs et sollicitent régulièrement l’opinion des ONG écologistes. Elle ajoute que de nombreux cursus liés à l’environnement ont vu le jour au cours des dernières années dans les facultés argentines.
Yanina conclue l’entretien en me conseillant d’aller visiter le site Internet de l’association. Celui-ci est très bien fait et donne une bonne idée de la diversité des actions mises en place par Greenpeace en Argentine. Les hispanophones seront bien inspirés d’aller y faire un tour !
mercredi
Du nord au centre, un Chili de contrastes
Après 2 semaines passées au Chili, mes premières impressions du pays se sont révélées erronées pour certaines, alors que d’autres se sont vérifiées. Il faut dire que je suis passé d’un extrême à l’autre, du sud lointain au nœud central formé par Santiago et Valparaiso.
A Chiloe, l’île sauvage et isolée rappelant vaguement l’Irlande, relativement épargnée par les touristes, j’ai connu des chiliens aux traits métissés et au langage mastiqué, difficilement compréhensible. Mes compagnons d’un soir, rencontrés dans une modeste pension de l’île, étaient des réfugiés de la ville continentale du Chaiten, non loin de là, récemment détruite par l’éruption du volcan du même nom. Ils végètent dans le village de Dalcahue depuis des mois, attendant que l’Etat leur apporte une hypothétique solution. Tous les soirs, et semble-t-il souvent plus tôt dans la journée, ils tâchent d’oublier dans l’alcool la perte de leurs maisons et d’adoucir ainsi cet exil forcé.
Tout au long de leur vie, la grande majorité des habitants des villes et villages de la région ne franchissent pas un rayon de 50 kilomètres autour de chez eux, et la capitale Santiago est pour eux un autre monde…
Rien à voir avec la foule des vacanciers constituée de touristes internationaux, mais surtout de santiaguinos, que l’on trouve à Pucón, sorte de Saint-Tropez local situé à quelques 500 kilomètres plus au nord. Je me rends compte ici que le Chili est un pays de contrastes… Les visages portent des traits nettement plus européens, l’accent à radicalement changé (je parviens maintenant à comprendre mes interlocuteurs), et l’humeur est à la fête. Il faut dire que la petite ville, située sur un lac magnifique et surplombée par le majestueux volcan Villarica, possède bien des attraits. Je reste quelques jours avant de me diriger vers la capitale.
De Santiago justement, je n’attendais pas grand-chose. Et apparemment j’ai bien fait de ne pas porter trop haut mes attentes, car la capitale chilienne ne m’a pas causé forte impression. C’est une ville grise, qui à mes yeux manque singulièrement de folie, et souffre de la comparaison avec Buenos Aires. Sa voisine Valparaiso par contre, considérée comme la capitale culturelle du pays, enflamme l’imagination. Nos marins, marqués par leur escale dans ce qui fût le plus grand port d’Amérique du Sud, avant la construction du canal de panama et sa chute dans la décadence et l’oubli, ont fait de Valparaiso un mythe à travers leurs chants et leurs récits.
Les matelots locaux ne sont pas en reste et de nombreuses chansons locales relatent à la fois leur amour pour leurs dulcinées et pour leur ville… J’ai l’occasion d’aller en écouter quelques-unes au Jota Cruz, un restaurant populaire à la décoration hors du commun, qui semble ne pas avoir bougé d´un pouce en 50 ans (si ce n’est pour le grand écran plat trônant au-dessus du bar.)
Aujourd’hui Valparaiso connaît une sorte de renouveau, prenant soin de cultiver son aura même si, entre les trottoirs défoncés et l’anarchique réseau de fils électriques, les traces de la décadence sont encore bien visibles. On se prend à rêver de ce à quoi ressemblait la ville du temps de sa splendeur… Cela n’empêche pas de nombreux étrangers de venir s’y installer comme Xavier, ce français venu créer son restaurant sur le Cerro Alegre il y a deux ans, et qui visiblement ne le regrette pas.
Valparaiso est aussi l’une des capitales mondiales du graffiti ; de nombreux graffeurs et autres street artists de renom font le voyage pour venir prendre part à la décoration bien fournie des rues. La mairie semble en avoir pris son parti puisque le graff est parfaitement légal, à condition toutefois qu’il se limite aux murs (décorer les toits ou les trains reste interdit).
Je reste quelques jours dans la région, profitant de l’hospitalité de mon ami Pedro, un espagnol d’origine chilienne connu il y a 5 ans à Barcelone, en vacances dans son pays d’origine… La prochaine étape de mon voyage est San Pedro d’Atacama, oasis perdu dans le désert le plus aride au monde. De là, je rejoindrai le salar de Uyuni, l´une des merveilles naturelles de la Bolivie.
A Chiloe, l’île sauvage et isolée rappelant vaguement l’Irlande, relativement épargnée par les touristes, j’ai connu des chiliens aux traits métissés et au langage mastiqué, difficilement compréhensible. Mes compagnons d’un soir, rencontrés dans une modeste pension de l’île, étaient des réfugiés de la ville continentale du Chaiten, non loin de là, récemment détruite par l’éruption du volcan du même nom. Ils végètent dans le village de Dalcahue depuis des mois, attendant que l’Etat leur apporte une hypothétique solution. Tous les soirs, et semble-t-il souvent plus tôt dans la journée, ils tâchent d’oublier dans l’alcool la perte de leurs maisons et d’adoucir ainsi cet exil forcé.
Tout au long de leur vie, la grande majorité des habitants des villes et villages de la région ne franchissent pas un rayon de 50 kilomètres autour de chez eux, et la capitale Santiago est pour eux un autre monde…
Rien à voir avec la foule des vacanciers constituée de touristes internationaux, mais surtout de santiaguinos, que l’on trouve à Pucón, sorte de Saint-Tropez local situé à quelques 500 kilomètres plus au nord. Je me rends compte ici que le Chili est un pays de contrastes… Les visages portent des traits nettement plus européens, l’accent à radicalement changé (je parviens maintenant à comprendre mes interlocuteurs), et l’humeur est à la fête. Il faut dire que la petite ville, située sur un lac magnifique et surplombée par le majestueux volcan Villarica, possède bien des attraits. Je reste quelques jours avant de me diriger vers la capitale.
De Santiago justement, je n’attendais pas grand-chose. Et apparemment j’ai bien fait de ne pas porter trop haut mes attentes, car la capitale chilienne ne m’a pas causé forte impression. C’est une ville grise, qui à mes yeux manque singulièrement de folie, et souffre de la comparaison avec Buenos Aires. Sa voisine Valparaiso par contre, considérée comme la capitale culturelle du pays, enflamme l’imagination. Nos marins, marqués par leur escale dans ce qui fût le plus grand port d’Amérique du Sud, avant la construction du canal de panama et sa chute dans la décadence et l’oubli, ont fait de Valparaiso un mythe à travers leurs chants et leurs récits.
Les matelots locaux ne sont pas en reste et de nombreuses chansons locales relatent à la fois leur amour pour leurs dulcinées et pour leur ville… J’ai l’occasion d’aller en écouter quelques-unes au Jota Cruz, un restaurant populaire à la décoration hors du commun, qui semble ne pas avoir bougé d´un pouce en 50 ans (si ce n’est pour le grand écran plat trônant au-dessus du bar.)
Aujourd’hui Valparaiso connaît une sorte de renouveau, prenant soin de cultiver son aura même si, entre les trottoirs défoncés et l’anarchique réseau de fils électriques, les traces de la décadence sont encore bien visibles. On se prend à rêver de ce à quoi ressemblait la ville du temps de sa splendeur… Cela n’empêche pas de nombreux étrangers de venir s’y installer comme Xavier, ce français venu créer son restaurant sur le Cerro Alegre il y a deux ans, et qui visiblement ne le regrette pas.
Valparaiso est aussi l’une des capitales mondiales du graffiti ; de nombreux graffeurs et autres street artists de renom font le voyage pour venir prendre part à la décoration bien fournie des rues. La mairie semble en avoir pris son parti puisque le graff est parfaitement légal, à condition toutefois qu’il se limite aux murs (décorer les toits ou les trains reste interdit).
Je reste quelques jours dans la région, profitant de l’hospitalité de mon ami Pedro, un espagnol d’origine chilienne connu il y a 5 ans à Barcelone, en vacances dans son pays d’origine… La prochaine étape de mon voyage est San Pedro d’Atacama, oasis perdu dans le désert le plus aride au monde. De là, je rejoindrai le salar de Uyuni, l´une des merveilles naturelles de la Bolivie.
dimanche
De l’autre côté de la cordillère…
Mon séjour à Buenos Aires aura duré 15 jours, beaucoup plus que je ne l’aurais souhaité. Je rencontre enfin le fameux directeur de la cellule changement climatique du gouvernement argentin, Nazareno Castillo, qui me reçoit très aimablement dans ses bureaux du microcentro de la capitale. Après m’avoir expliqué les champs d’interventions de son département, il me dirige vers son coordinateur des projets d’adaptation au changement climatique. Malheureusement – pourquoi le taire- je suis sorti assez déçu de notre entretien…
En effet, lors de ma première prise de contact avec le secrétariat de l’environnement, on m’avait parlé de projets pilotes d’irrigation mis en place au sein de ce dernier. Mais à ma grande surprise mon interlocuteur, au demeurant très sympathique, m’explique qu’aucun projet d’adaptation au changement climatique n’existe à ce jour en Argentine. Tout juste est-il en train de travailler sur la conception d’un projet futur dans la province de Salta, pour lequel tout reste à faire : étude détaillée du contexte, recherche de fonds, etc. Bref, ce qui semblait être pour moi une rencontre décisive se révèle être un coup d’épée dans l’eau.
Mais tout n’est pas perdu : Alejandro, l’ancien activiste de Greenpeace rencontré chez Idealist.org m’a arrangé un entretien avec l’antenne de la très médiatique ONG environnementale en Argentine. Cette rencontre fera l’objet d’un article spécifique…
Venons-en au sujet de ce post : mon arrivée au Chili. Juste un mois après avoir atterri sur le continent Sud Américain, je traverse quitte mes amis argentins et entre chez leur maigre voisin… Le changement se note surtout au niveau des personnes : l’accent a changé, ici les syllabes sont mâchées et je dois m’efforcer pour suivre les conversations. Les faciès sont radicalement différents, tous ou presque portant des traces de métissage avec les Mapuche, cette tribu originaire qui donna tant de fil à retordre aux colons. En deux mots par ici, les Chiliens sont plutôt petits et bridés !
Sinon, avec son niveau "d’occidentalisation" élevé – bus confortables, nombreuses banques et supermarchés bien fournis- le pays ressemble beaucoup à l’Argentine. Voilà en tout cas mes premières impressions de la dixième région du Chili, qui s’étend de l’ile de Chiloé, d’où j’écris en ce moment, jusqu’à Puerto Natales à l’extrême sud. Il est possible que les choses changent en allant vers le nord…
En effet, lors de ma première prise de contact avec le secrétariat de l’environnement, on m’avait parlé de projets pilotes d’irrigation mis en place au sein de ce dernier. Mais à ma grande surprise mon interlocuteur, au demeurant très sympathique, m’explique qu’aucun projet d’adaptation au changement climatique n’existe à ce jour en Argentine. Tout juste est-il en train de travailler sur la conception d’un projet futur dans la province de Salta, pour lequel tout reste à faire : étude détaillée du contexte, recherche de fonds, etc. Bref, ce qui semblait être pour moi une rencontre décisive se révèle être un coup d’épée dans l’eau.
Mais tout n’est pas perdu : Alejandro, l’ancien activiste de Greenpeace rencontré chez Idealist.org m’a arrangé un entretien avec l’antenne de la très médiatique ONG environnementale en Argentine. Cette rencontre fera l’objet d’un article spécifique…
Venons-en au sujet de ce post : mon arrivée au Chili. Juste un mois après avoir atterri sur le continent Sud Américain, je traverse quitte mes amis argentins et entre chez leur maigre voisin… Le changement se note surtout au niveau des personnes : l’accent a changé, ici les syllabes sont mâchées et je dois m’efforcer pour suivre les conversations. Les faciès sont radicalement différents, tous ou presque portant des traces de métissage avec les Mapuche, cette tribu originaire qui donna tant de fil à retordre aux colons. En deux mots par ici, les Chiliens sont plutôt petits et bridés !
Sinon, avec son niveau "d’occidentalisation" élevé – bus confortables, nombreuses banques et supermarchés bien fournis- le pays ressemble beaucoup à l’Argentine. Voilà en tout cas mes premières impressions de la dixième région du Chili, qui s’étend de l’ile de Chiloé, d’où j’écris en ce moment, jusqu’à Puerto Natales à l’extrême sud. Il est possible que les choses changent en allant vers le nord…
samedi
Rencontre avec Idealistas.org
Mon séjour à Buenos Aires se prolonge plus longtemps que prévu, et j’en profite pour faire des rencontres inattendues. Grâce à Louise, je fais la connaissance de Pablo Tiscornia qui me présente à son tour Alejandro Noriega, un ancien activiste de Greenpeace en Argentine. Tous les deux travaillent pour le réseau Idealist.org. Ils me reçoivent tour à tour pour partager avec moi des informations et me donner des contacts potentiellement intéressants.
Il me semble important, et pas uniquement pour renvoyer l’ascenseur à Pablo et Alé, de parler ici de Idealistas.org, version hispanique du réseau Idealist.org, et du travail qu’ils mettent en place car celui-ci partage beaucoup avec ma propre vision et l’un des objectifs du projet Résolutions Ecologiques: le partage de l’information.
La page d’accueil le dit très simplement : idealist.org est un réseau de personnes à la recherche d’un monde meilleur. Lancé des les premiers balbutiements du Net en 1996, c’est l’un des plus grands réseaux poursuivant un but non lucratif sur le Web, avec des informations postées par 55.000 organisations dans le monde, et plus de 40.000 visiteurs par jour.
Ami Dar, son créateur, est parti du point de vue suivant: chaque jour, partout dans le monde, des milliers de personnes lancent des initiatives participant à obtenir un monde plus juste et équitable, mais beaucoup de ces action sont isolées et peu connues. En même temps, un groupe beaucoup plus grand de personnes ont de bonnes intentions et souhaitent prendre part à ce changement positif, sans savoir vraiment par où commencer.
La mission de idealist.org est donc de former un réseau qui facilite les connexions entre ceux qui ont commencé à agir et ceux qui en ont envie. Ce réseau crée ainsi un espace de rencontre entre les personnes qui mettent en place des actions à caractère non marchand, pour échanger des informations et collaborer afin de provoquer un changement positif dans leurs sociétés.
Concrètement, pour impulser le développement du réseau, Idealist.org propose un site Internet extrêmement riche sur lequel ses membres ont la possibilité de faire connaître leurs initiatives et leurs besoins, et ont accès à des informations correspondant à leurs intérêts. Idealist.org lance également régulièrement des appels à la participation à certaines causes et au développement de nouvelles initiatives. De plus, le réseau met en place des actions propres destinées à faire parvenir toutes ces informations à ceux qui ne disposent pas d’accès au web.
Je vous engage donc à vous rendre sur la page www.idealist.org pour avoir une idée de la diversité des membres du réseau et des actions mises en place. Vous pourrez également, en vous y inscrivant, rejoindre cette communauté de personnes à la recherche d’un monde meilleur.
Il me semble important, et pas uniquement pour renvoyer l’ascenseur à Pablo et Alé, de parler ici de Idealistas.org, version hispanique du réseau Idealist.org, et du travail qu’ils mettent en place car celui-ci partage beaucoup avec ma propre vision et l’un des objectifs du projet Résolutions Ecologiques: le partage de l’information.
La page d’accueil le dit très simplement : idealist.org est un réseau de personnes à la recherche d’un monde meilleur. Lancé des les premiers balbutiements du Net en 1996, c’est l’un des plus grands réseaux poursuivant un but non lucratif sur le Web, avec des informations postées par 55.000 organisations dans le monde, et plus de 40.000 visiteurs par jour.
Ami Dar, son créateur, est parti du point de vue suivant: chaque jour, partout dans le monde, des milliers de personnes lancent des initiatives participant à obtenir un monde plus juste et équitable, mais beaucoup de ces action sont isolées et peu connues. En même temps, un groupe beaucoup plus grand de personnes ont de bonnes intentions et souhaitent prendre part à ce changement positif, sans savoir vraiment par où commencer.
La mission de idealist.org est donc de former un réseau qui facilite les connexions entre ceux qui ont commencé à agir et ceux qui en ont envie. Ce réseau crée ainsi un espace de rencontre entre les personnes qui mettent en place des actions à caractère non marchand, pour échanger des informations et collaborer afin de provoquer un changement positif dans leurs sociétés.
Concrètement, pour impulser le développement du réseau, Idealist.org propose un site Internet extrêmement riche sur lequel ses membres ont la possibilité de faire connaître leurs initiatives et leurs besoins, et ont accès à des informations correspondant à leurs intérêts. Idealist.org lance également régulièrement des appels à la participation à certaines causes et au développement de nouvelles initiatives. De plus, le réseau met en place des actions propres destinées à faire parvenir toutes ces informations à ceux qui ne disposent pas d’accès au web.
Je vous engage donc à vous rendre sur la page www.idealist.org pour avoir une idée de la diversité des membres du réseau et des actions mises en place. Vous pourrez également, en vous y inscrivant, rejoindre cette communauté de personnes à la recherche d’un monde meilleur.
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