samedi

Etape 4 : la fin du monde – Terre de feu


Après 55 heures de bus cumulées depuis Buenos Aires et un peu plus de 3000 kilomètres au compteur, j’arrive enfin en Terre de Feu, l’équivalent de notre Finistère breton, à l’échelle d’un continent.

Faut-il le rappeler ? La terre de feu doit son nom aux nombreux feux visibles sur le rivage par les premiers navigateurs européens arrivés dans la région. En effet, les indiens Yaganes qui peuplaient le sud de l’ile avaient coutume de rester nus tout au long de l’année, ou emmitouflés dans des manteaux faits de peau d’éléphant de mer, et gardaient constamment avec eux un feu allumé.

Il y règne une atmosphère toute particulière, presque mystique. Les paysages, sauvages, sont magnifiques: on voit ici les dernières montagnes de la cordillère plonger dans la mer. L’air frais, les maisons colorées, et le vent incessant donnent l’impression d’être arrivé dans quelque pays nordique. Mais je suis ici à 54° 48 de latitude sud, dans la ville la plus australe du monde, qui ne se prive pas de rappeler que vous êtes ici arrivé à la «fin du monde ». Pour quelques pesos, les touristes pourront même faire marquer leur passeport d’un tampon spécifique Fin del mundo. Je cède comme les autres à la tentation.

Je n’ai malheureusement que 2 jours à passer à Ushuaia, juste assez pour faire une journée de trekking dans le Parque Nacional de Tierra del Fuego, et une balade sur le canal Beagle séparant l’Argentine et un bout de Chili. Je dois à présent remonter à Buenos Aires pour rencontrer mes acteurs argentins de la lutte contre le changement climatique.

vendredi

Etape 3 : El Calafate, glacier du Perito Moreno

Au cours du trajet pour me rendre à El Calafate, la ville du fameux glacier Perito Moreno, je fais connaissance de Jose Maria et Maria Jose (ça ne s’invente pas), un couple originaire de la province de Buenos Aires, venu s’installer il y a 6 ans au Calafate où Jose Maria tient une boucherie. Nous nous lions rapidement d’amitié, et resterons en contact tout au long de mon court séjour dans la ville. Il m’invite à goûter son asado (nom local du barbecue) en compagnie de sa nombreuse famille : à 27 ans, Jose Maria est déjà père de 5 enfants.

El Calafate est donc la « hometown » de l’un des plus fameux glaciers au monde : le Perito Moreno, du nom de l’ « expert » (perito en espagnol) Francisco Moreno, un explorateur cartographe argentin qui joua un rôle important lors des conflits territoriaux avec le Chili.

Même s’il fait deux fois la taille de la ville de Paris, le Moreno n’est ni le plus long, ni le plus large, mais c’est l’un des rares glaciers mondiaux dont la superficie reste stable, tandis que la presque totalité de ses congénères ont tendance à diminuer. C’est surtout un glacier spectaculaire qui se jette dans le brazo rico (bras riche) du Lago Argentino, le plus grand lac du pays.
La masse du Moreno ne cesse de croître et le front de glace avance sur l’eau, jusqu’à atteindre la rive opposée, c'est-à-dire la péninsule de Magellan. Il divise alors le lac en deux et obstrue le Brazo Rico, empêchant l'écoulement de ses eaux vers la mer. La montée de l'eau dans ce bras exerce alors une pression croissante sur la paroi du glacier entraînant la formation progressive d’un tunnel à travers le barrage de glace.

Sous la pression, ce tunnel finit par s'effondrer, c’est le phénomène dit de rupture. La fréquence de ce cycle de ruptures n'est pas régulière, et il faut être chanceux pour en voir une de ses yeux. La dernière en date est survenue en juillet 2008, quand une arche de glace de 60m de haut et de plusieurs milliers de tonnes s'est effondrée. C'est un événement unique en plein hiver austral, lié peut-être au changement climatique. La faible quantité des données scientifiques ne permet pas de tirer de conclusions définitives.

Mon passage au Calafate m’aura permis de bénéficier de l’hospitalité argentine, et de voir enfin ce glacier mythique. Je m’apprête à quitter la Patagonie, mon car partant à 3h du matin pour la non moins mythique Terre de Feu, la fin du monde…

Etape 2 : Puerto Madryn, péninsule Valdès

Le voyage a enfin commencé. J'ai quitté Buenos Aires le cinquième jour suivant mon arrivée, en direction du sud... Me voici à Puerto Madryn, petite ville située à mi-chemin entre la capitale et l’extrême sud du pays, dont la principale attraction est la péninsule Valdès. Cette péninsule est le lieu de villégiature favori d’un grand nombre d’espèces marines australes, ce qui en fait un endroit unique au monde. On y trouve pêle-mêle, lions et éléphants de mer, pingouins, et certaines espèces de baleines qui se rendent dans les eaux calmes des baies avoisinantes pour mettre bas.

Les orques, qui viennent se repaître de tout ce beau monde, sont également de la partie. Ils ont mis ici au point une technique de pêche inédite, que l’on ne trouve que sur la péninsule Valdès et paraît-il, en Afrique du Sud. Cette technique consiste à se rapprocher subrepticement du rivage, à marée haute. Une tactique facilitée par l’eau très sédimenteuse et trouble qui masque l’approche du prédateur, et les pentes inclinées de la zone. Cependant, elle n’est pas sans danger pour l’orque trop sûr de lui, qui risque de rester échoué sur le sable.

Je ne reste que deux jours. Mis à part la péninsule, la ville de Puerto Madryn ne présente pas d’autres attractions particulières, si ce n’est sa plage, bondée et frappée par un soleil de plomb. De plus, je n’ai plus que 8 jours à passer en Patagonie avant de rentrer à Buenos Aires, et mes prochaines étapes, le glacier du Perito Moreno et la Terre de Feu, m’appellent. Cela fait longtemps que je voulais me rendre au bout du monde…

Etape 1 : Buenos Aires, 7 ans plus tard


7 ans ont passé, presque jour pour jour, depuis mon dernier séjour en Argentine, qui fut aussi ma première expérience durable à l’étranger. C’est donc en quelque sorte un retour aux origines, et je retrouve enfin les lieux que je fréquentais à l’époque. Cela fait 7 ans, mais ça pourrait aussi bien être la veille. Rien ne paraît avoir changé. Les rues, les gens, et l’atmosphère sont les mêmes. Les images anciennes se superposent à celles d’aujourd’hui.

J’avais quitté le pays en plein éclatement d’une crise sans précédent, et avais vu se succéder pas moins de trois présidents de la république en l’espace de 10 jours. Aujourd’hui, ces temps semblent révolus, avec un kichnerisme qui paraît bien installé (même si le couple est fortement critiqué). La délinquance – en hausse depuis 2001 - revient régulièrement dans les conversations et les unes des journaux télévisés.

L'actualité locale me ramène vite au présent, et aux raisons de mon retour en Argentine: le pays connaît la pire sécheresse des dernières décennies. La production agricole est en forte baisse, entraînant une augmentation du prix des légumes, les fleuves s'assèchent et le bétail meurt.

Ma première préoccupation est de mettre en route le projet Résolutions Ecologiques. Malheureusement mon premier contact Argentin, Roque Pedace de l’association Les amis de la terre, que je devais rencontrer dès mon arrivée, ne semble plus donner signe de vie. Je décide donc de partir en Patagonie pour une dizaine de jours avant de remonter sur Buenos Aires, où un autre rendez-vous est prévu. J’espère également avoir l’occasion d’y rencontrer Roque…