jeudi

Chronique irrégulière du changement climatique n°2 : rencontre avec Edson Ramirez à La Paz

Le retrait des glaciers andins, vers une crise de l’eau ?
Rencontre avec Edson Ramirez, glaciologue à l’IHH de La Paz.



Mon taxi, sans doute un fan de formule 1, semble prendre un malin plaisir à faire crisser ses pneus dans les virages de la voie rapide serpentant à travers la capitale bolivienne, sur plus de 1000 mètres de dénivelé, du centre touristique à la zone sud. Pas très rassuré, je suis sur le point de mettre ma ceinture de sécurité quand mon chauffeur s’arrête pour prendre un 5ème passager, qui vient s’assoir à mon côté, m’obligeant à me coller contre le levier de vitesse… Tant pis pour la ceinture.

Cette petite course n’est donc pas des plus confortables, ni des plus rassurantes, mais elle me permet de me rendre à l’Instituto Hidrico e Hidrologico (Institut Hydrique et Hydrologique) de La Paz, fief du glaciologue Edson Ramirez, pour une rencontre que j’attendais depuis longtemps. Edson va me parler de l’inquiétant recul des glaciers entourant La Paz et El Alto, sa ville siamoise, et de ses conséquences.

L’IHH travaille en proche collaboration avec l’Institut de Recherche et Développement (IRD) français. De fait, l’IRD a initié en 1991 le programme Great Ice consistant à surveiller et récolter un maximum d’informations sur les glaciers andins. De nombreux spécialistes boliviens se sont formés à Paris –c’est le cas de Edson Ramirez – et travaillent aujourd’hui en équipe avec les experts de l’IRD.

Chaque mois, ces équipes se rendent sur certains glaciers entourant La Paz pour effectuer un équilibre de la masse, une mesure de l’épaisseur de glace qui permet de savoir si la masse du glacier a connu des pertes ou des gains. Une fois par an, ils en mesurent la superficie totale. L’IHH procède également à une comptabilisation régulière des précipitations, du taux d’humidité ou encore des radiations solaires. Enfin, l’IRD a introduit il y a quelques années l’extraction de carottes glacières permettant de reconstituer le climat d’époques éloignées.

Edson m’avait proposé de l’accompagner sur une expédition à la rencontre de la population du village de Quoni, communauté vivant entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, juste en-dessous du glacier Illimani. L’objectif était d’en savoir plus sur leur perception des changements climatiques récents dans la région. Malheureusement, cette sortie a dû être annulée au dernier moment, mais je m’estime heureux de pouvoir rencontrer le plus éminent glaciologue bolivien.

Quelle est donc l’influence du changement climatique sur les glaciers andins, et plus précisément ceux qui entourent La Paz ? Dans la région andine, on a observé une diminution progressive des glaciers depuis le début du XXème siècle. Mais à partir de la fin des années 70, on constate une forte accélération : en 30 ans, certains glaciers on fondu 3 fois plus vite que depuis le début du siècle. Le cas le plus éloquent étant feu le glacier de Chacaltaya (voir photos), aujourd’hui disparu, sur lequel les paceños avaient l’habitude d’aller skier il y a encore 10 ans.

Pour introduire son propos, mon interlocuteur m’explique la nécessité de différencier les notions de variabilité climatique et changement climatique. Une partie des changements observés actuellement est due à la variabilité climatique, c’est à dire les évolutions cycliques du climat d’origine astronomique, causées par exemple par la variation de l’axe de rotation terrestre. Ces mutations cycliques ont lieu sur des périodes très longues, de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d’années.

Mais les modèles et la grande quantité de données récoltées nous révèlent qu’une partie non négligeable de ces changements est due à l’activité humaine et l’émission de gaz à effets de serre comme le CO2, coïncidant avec la première révolution industrielle. C’est à cela que l’on doit le changement climatique, qui lui n’est pas cyclique, mais provoque une accélération des tendances naturelles. Ce qui marque ce phénomène, c’est des variations de températures fortes qui ont lieu sur une période très courte (200 ans par rapport à des milliers d’années dans le cas de la variabilité naturelle.) Au cours du dernier siècle, on a constaté une augmentation moyenne des températures de 0,5 degrés Celcius sur l’ensemble du globe. En plus de cette progression, on a vu dans les Andes une augmentation des amplitudes de températures observées - hivers plus froids et étés plus chauds - qui pourrait presque masquer le phénomène d’augmentation moyenne des températures.

La somme de ces changements d’origine naturelle (variabilité climatique) et humaine (changement climatique), appelée changement global, a de graves implications pour les populations vivant depuis des millénaires au contact des glaciers andins. Le cas des villes de La Paz et El alto est représentatif de nombreuses agglomérations situées sur une région allant de l’Equateur jusqu’à la Patagonie.

Selon Edson Ramirez, le premier impact à déplorer est la perte du paysage traditionnel andin qui a toujours caractérisé la région. Cela pourrait en effet entraîner de graves conséquences économiques avec une baisse des revenus touristiques : de nombreux touristes se rendent à la capitale Bolivienne attirés par les nombreux et majestueux glaciers qui l’entourent.

Un deuxième effet, peut-être plus grave, concerne l’usage de l’eau
. Les ressources actuelles sont utilisées avant tout pour l’eau potable et la génération d’électricité. Elles proviennent de deux sources: le glacier et la pluie. Si l’on considère qu’il continue à pleuvoir autant qu’auparavant, une crise de l’eau n’est pas à craindre. Seulement, les modèles prédisent une réduction des précipitations conséquente au changement climatique dans le nord de la Bolivie. A titre d’exemple, cette année la région a connu un déficit des précipitations de l’ordre de 30%, et les réservoirs de la ville n’ont pas pu se remplir.

Edson m’explique que les glaciers andins sont pour l’essentiel des glaciers tropicaux, et ont un fonctionnement bien distinct de celui de nos glaciers alpins. Dans les Alpes, l’hiver correspond à la période des pluies, pendant lequel les glaciers se nourrissent. Au fur et à mesure que les températures augmentent avec l’approche de l’été, ils fondent et nous alimentent en eau.

Dans les Andes tropicales par contre, la saison des pluies arrive en été. Pendant la seule période où le glacier peut s’alimenter en eau, il voit aussi sa masse diminuer rapidement. Les glaciers andins ont donc un fonctionnement complexe qui peut être affecté par des modifications minimes du climat. C’est la raison pour laquelle les glaciers des zones tropicales sont considérés comme d’excellents indicateurs du changement climatique (cela explique la présence de l’IRD dans la zone depuis 1991.)

Cette tendance a donc des conséquences dramatiques pour l’usage des ressources en eau. En effet, les villes de La Paz et El alto augmentent leur consommation (croissance annuelle de 5% pour El Alto), et cette tendance doit se poursuivre avec la croissance de la population. On se heurte donc à un problème puisque les ressources en eau, quant à elles, sont limitées et promettent même de se réduire. On a donc ici tous les éléments pour une crise de l’eau affectant les villes de La Paz et el Alto…

Quelles sont les solutions envisagées pour faire face à cette situation ?

On a vu se multiplier au cours des dernières années les négociations internationales pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Mais même si demain voyait la naissance d’un compromis mondial pour une réduction drastique de ces émissions (ce qui est malheureusement fort peu probable), il faudrait des dizaines années pour qu’apparaissent des répercussions positives. Non, le changement climatique est déjà là et nous n’avons d’autres choix que de nous y adapter (les négociations internationales restent bien sûr une impérieuse nécessité.)

Quelles mesures d’adaptation donc ? C’est bien là le principal problème auquel font face Edson Ramirez et ses pairs. Certaines voix ont proposé d’exploiter de nouvelles nappes souterraines. Une solution rejetée par Edson, qui avance l’incertitude sur les quantités d’eau disponibles dans ces nappes. On risquerait ainsi de surexploiter des ressources qui doivent être réservées aux générations futures.

Les solutions d’adaptation posent plusieurs difficultés. D’une part, elles ont souvent une forte composante technologique et donc un coût les rendant prohibitives pour les pays en développement, qui connaissent de plus certaines limites pour implémenter ce type de mesures (infrastructures existantes, know-how, etc.)

D’autre part, même si un avancement important a été fait au cours des dernières années en termes d’investigation, on n’a pas encore une idée complète de la priorisation à faire de ces mesures. En clair, reprend Edson, même si quelques agences de coopération internationale sont disposées à intervenir financièrement, on ne sait toujours pas exactement à quoi s’adapter en priorité.

Cependant, plutôt que de se croiser les bras en attendant que ces recherches soient complétées, Edson Ramirez a son idée sur la manière de réagir dans l’immédiat. Selon lui, il faut avant tout commencer par rationnaliser l’usage des ressources existantes. Actuellement, le réseau d’approvisionnement de la ville de El Alto, touchant à peu près un million d’habitants, accuse des pertes qui peuvent atteindre 40 à 50% des ressources en eau (fuites, eau non comptabilisée, etc.)

Rien qu’en apportant une solution à ce problème on pourra, sinon éviter une future crise de l’eau, du moins en repousser l’échéance. Il s’agit donc d’optimiser l’eau dont les Boliviens disposent plutôt que d’avoir recours à de nouvelles ressources dont les capacités sont incertaines.

Ensuite, poursuit Edson, on doit également considérer des options technologiques au coût relativement faible tel que le recyclage de l’eau. Il peut s’agir de filets récoltant l’humidité de la brume, une solution déjà adoptée par le Chili, mais également d’installer des systèmes de récupération des eaux de pluie chez le particulier. Par ailleurs, de nombreuses activités ménagères comme la vaisselle, l’arrosage des plantes ou le lavage de la voiture ne nécessitent pas l’usage de l’eau potable.

On voit donc que les seuls types de mesures applicables immédiatement passent, d’une part, par l’optimisation des ressources existantes dans la région et, d’autre part, par un meilleur usage de l’eau par les habitants.

On ne pourra pas optimiser les ressources en eau sans un engagement fort du gouvernement. Edson m’explique qu’il y a dix ans, il avait porté le même message au gouvernement de l’époque, mais les prévisions présentées alors n’avaient pas permis d’obtenir plus que de pieux vœux de la part des politiciens en place.

Quel est justement le degré de compréhension des enjeux et la volonté d’action de l’administration Evo Morales ? Les effets annoncés jadis se faisant sentir désormais, le gouvernement fait preuve d’une plus grande attention. Les ministères de l’eau et de l’environnement commencent à s’impliquer fortement dans cette problématique, et les glaciologues de l’IHH et de l’IRD ont même pu rencontrer le président pour lui porter directement l’alarmant message.

Il y a donc une vraie prédisposition à travailler ensemble entre tous les acteurs concernés, résume Edson. Mais il existe un décalage temporel. C’est une course contre la montre dans laquelle les acteurs de la lutte contre le changement climatique accusent un lourd retard.

2009 est, en effet, une année charnière, m’explique le Doctor Ramirez. Les données statistiques existantes la désignent comme l’année de la rupture de l’équilibre : on utilise plus d’eau que ne peut en apporter la nature.

Pour la première fois, la ville de La Paz a été au bord du rationnement. Les réserves de la ville ne se sont presque pas approvisionnées pendant une saison des pluies marquée par un manque de précipitations. Et si l’on a pu éviter le rationnement, il a fallu modifier des comportements culturels ancestraux. Pour la première fois, il a fallu interdire aux habitants de la capitale de jouer avec l’eau pendant le carnaval Bolivien, la plus importante fête populaire de l’année où petits et grands ont la gâchette (de pistolet à eau) facile. Il est très probable que cette interdiction se poursuive l’année prochaine, menant fin à une tradition ancestrale.

Ce qui nous mène au deuxième type de mesures applicables immédiatement, la promotion d’un meilleur usage de l’eau auprès des habitants de La Paz et El Alto.


Dans ce domaine, le travail a commencé avec la diffusion de spots publicitaires sensibilisant la population à la raréfaction de l‘eau, et à la nécessité d’adapter les comportements.

L’IHH n’est pas en reste, et mène des actions d’éducation dans les collèges des deux villes jumelles. Celles-ci consistent pour l’essentiel en des discussions avec les enfants, à qui l’on montre les alarmantes photos du Chacaltaya. Edson conclue notre entretien en insistant sur le potentiel des enfants pour faire passer le message aux adultes.

De plus, ce sont bien les générations futures qui hériteront de cette situation, à laquelle elles doivent être préparés le mieux possible.

vendredi

1er article : Buenos Aires, rencontre avec Greenpeace

Je me trouve actuellement à La Paz, Bolivie, où j´ai finalement le temps de me poser un peu et d´actualiser le blog. La dernière semaine a été chargèe, avec une traversèe de 3 jours entre San Pedro de Atacama au Chili et la ville de Uyuni en Bolivie, tout près du fameux salar du même nom, le plus grand au monde avec ses 11500 km 2.
Je me suis ensuite rendu à Sucre, la capitale juridique du pays, où j´ai passé quelques jours chez mon ami quebecquois Jean Alexandre, qui travaille pour la filiale locale de Oxfam.

Mais l´objet du post est surtout de vous dire que le premier article du projet Résolutions Ecologiques est écrit. Vous pouvez le lire ci-dessous. J´en profite pour remercier les sites ecoloinfo et the greenpostbox, ainsi que le portail Horizon Etudiant qui ont accepté de relayer cet article dans leurs pages... Les liens de ces deux sites sont disponibles sur la partie droite de ce blog (liste de liens utiles)

----------------------------------------------------------------------

Buenos aires, Argentine : rencontre avec Greenpeace


La problématique du changement climatique est vaste, et englobe une multitude d’aspects. Rares sont les scientifiques sérieux qui s’obstinent à le nier: le fonctionnement actuel du capitalisme, dans toute sa complexité, est intimement lié au changement que connaît notre planète.

J’ai donc décidé de centrer mon propos sur les deux pratiques essentielles dans la réponse au phénomène : les projets d’adaptation (consistant à mettre en place des systèmes innovants pour faire face aux conséquences du changement climatique), et les projets de mitigation (ou d’atténuation, visant à en limiter la progression).

Mon voyage « sur les traces » du changement climatique commence à Buenos Aires, en Argentine...

J’y ai deux rendez-vous, l'un avec le directeur de la cellule changement climatique du Secrétariat d’Etat à l’environnement, le docteur Nazareño Castillo, l'autre avec la filiale argentine de Greenpeace.

Autant le dire tout de suite : je suis sorti déçu du premier. Lors de mes prises de contact préliminaires, on m’avait parlé de projets pilotes d’irrigation face à la désertification, l’un des principaux impacts du changement climatique en Argentine. Or une fois sur place, je me rends compte que rien de concret n’a encore été mis en place par le gouvernement. Tout juste est-il en train de poser les bases d’un projet d’adaptation d’une communauté de la province Formosa, au nord du pays, en proie à des inondations toujours plus récurrentes et violentes - une autre conséquence locale du dérèglement du climat... Mais, de l’étude détaillée du contexte à la recherche de fonds, tout reste à faire pour que ce projet puisse voir le jour. Je ne m’étendrai donc pas plus sur cette réunion qui me laisse un goût amer.

Direction Greenpeace, où m’attendait une rencontre plus intéressante…

Le mur végétal recouvrant la façade – un peu à la manière du musée du quai Branly à Paris – ne saurait mieux signaler au visiteur l’emplacement des bureaux porteños de l‘association. A l’intérieur, des œuvres d’art « vertes » égaient les murs et un panneau électronique indique les économies d’énergie réalisées par les panneaux solaires installés sur le toit.

J’ai pu y recueillir le témoignage de Yanina Rullo, la directrice de projet chargée de la première campagne de sensibilisation au changement climatique en Argentine, étendue à partir de fin 2007 sur toute l’année 2008. Un projet de mitigation puisqu’il vise à inciter les particuliers à limiter leur empreinte carbone, et faire pression sur la classe politique.

Yanina entre directement dans le vif du sujet. Elle commence par m’expliquer que si les campagnes de Greenpeace sont coordonnées entre ses filiales au niveau international, l’antenne argentine partait avec un train de retard… En effet, Greenpeace distingue deux stades dans son approche de la sensibilisation au changement climatique : l’efficience énergétique, et le développement des énergies renouvelables. Les anglais, par exemple, ont déjà traité la thématique de l’efficience énergétique et concentrent maintenant leurs actions de communication sur le deuxième stade.

Les activistes argentins considèrent quant à eux qu’il est trop tôt pour évoquer les énergies renouvelables, dans un pays où les politiques et les niveaux d’investissement nationaux en la matière sont proches du néant. Selon eux, il faut avant tout parler d’efficience énergétique, une notion impliquant des mesures réalisables dès aujourd’hui par le plus grand nombre.
La filiale argentine de Greenpeace partait donc de loin. Yanina m’explique que la campagne sur l’efficience énergétique faisait face à un premier défi: faire comprendre à chacun la relation entre consommation d’énergie, émission de gaz à effets de serre et changement climatique. En effet, si les européens, à grands renforts de communication, sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux à faire le lien, c’est loin d’être encore le cas en Argentine.

Pour appuyer son propos, Yanina me précise que le secteur argentin de l’énergie est le premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre (47%), suivi par l’agriculture (44%). Elle m’explique également que la matrice énergétique argentine est l’une des plus désastreuses du continent sud-américain, avec un parc énergétique constitué à 90% d’énergies fossiles (l’énergie hydroélectrique et l’énergie nucléaire en représentent respectivement 5 et 3%). Les énergies renouvelables, quant à elles, occupent une place dérisoire en raison, selon mon interlocutrice, du bas prix de l’énergie. En effet jusqu’à présent, un consommateur laissant toutes ses ampoules allumées à longueur de journée ne sentait presque pas de différence sur sa facture en fin de mois, comparé avec une consommation vertueuse. Ces prix faibles dans l’absolu n’ont pas permis de dégager des fonds pour investir dans la recherche et développement des énergies propres.

Par ailleurs, cela en dit long sur le faible intérêt du gouvernement pour inciter les particuliers à diminuer leur consommation. Avant la campagne de Greenpeace, aucun gouvernement n’avait mis en place de politique d’efficience énergétique à long terme. Tout juste l’administration actuelle commence-t-elle à mettre en place un système d’incitation tarifaire pour les consommateurs, avec des réductions de prix notables en fonction de l’énergie consommée. Les arguments des écologistes évoqués plus haut auraient-ils trouvé une oreille attentive chez quelque technocrate ? Peut-être… A moins que la raison soit à chercher ailleurs. En effet, une grave crise d’approvisionnement en énergie se profile au pays des gauchos, avec des réserves de gaz naturel qui se réduisent à grand pas (celui-ci compte pour 50% de la production d’électricité), et une production hydroélectrique mise à mal par la réduction du débit des fleuves, due à la diminution des glaciers andins (encore une conséquence du dérèglement climatique).

Pour faire passer son message, Greenpeace avait besoin d’un exemple parlant et d’une action forte. L’association a donc a commencé par demander l’interdiction des ampoules incandescentes, en soulignant que 80% de l’énergie émise par ce type d’ampoules se perd, transformée en chaleur en lieu de lumière. Pour que le public puisse se faire une idée de la perte sèche d’énergie, l’ONG a utilisé la comparaison suivante : si tous les usagers du pays remplaçaient leurs ampoules classiques par des ampoules de basse consommation, l’énergie ainsi économisée équivaudrait à celle émise par une centrale nucléaire.

Il fallait aussi attirer l’attention des média pour obtenir une couverture optimale: pour ce faire, des activistes sont entrés au ministère de la culture argentin et se sont chargés eux-mêmes de remplacer les ampoules du hall d’entrée par des ampoules LED. Une action non violente et suffisamment originale pour attirer l’attention des médias, dans la plus pure tradition Greenpeace. L’ONG s’est ainsi adressée directement au gouvernement pour que celui-ci donne l’exemple en remplaçant toutes les ampoules incandescentes de ses bâtiments administratifs.

Suite à cette action, l’administration Krishner s’est appropriée l’idée de l’association et a pris une première mesure dans le sens de l’efficience énergétique, non seulement en s’engageant à changer ses lampes, mais elle est allée bien plus loin en lançant une loi visant à interdire les lampes classiques pour tout le marché résidentiel argentin en 2010. La loi a été promulguée et est en cours d’application.

Citons également, parmi les actions de l’association, un visuel impactant dont l’objectif était avant tout de communiquer sur la réalité du changement climatique dans le pays. En Argentine, ses effets recouvrent l’augmentation des températures, la désertification progressive dans les provinces du Chaco et de Salta, l’irrégularité croissante des précipitations dans la Pampa et l’augmentation des phénomènes extrêmes, comme les tempêtes et les inondations qui s’en suivent. Mais l’impact le plus parlant reste la disparition des glaciers. Greenpeace a donc réalisé un visuel comparant une photo du glacier Upsala, au sud de la Patagonie, prise en 1928 avec une autre photo datant de 2004. Le contraste est criant… La légende se contente de demander « De quelle autre preuve as-tu besoin ? ».

Quand je lui demande son opinion sur l’évolution à venir du niveau d’intérêt des médias argentins pour les problématiques environnementales, Yanina se montre optimiste. Même si les enjeux environnementaux font rarement la une des journaux, les journalistes se montrent de plus en plus proactifs et sollicitent régulièrement l’opinion des ONG écologistes. Elle ajoute que de nombreux cursus liés à l’environnement ont vu le jour au cours des dernières années dans les facultés argentines.

Yanina conclue l’entretien en me conseillant d’aller visiter le site Internet de l’association. Celui-ci est très bien fait et donne une bonne idée de la diversité des actions mises en place par Greenpeace en Argentine. Les hispanophones seront bien inspirés d’aller y faire un tour !